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lundi 26 mai 2025

La guerre civile portugaise (1828-1834), ou comment le libéralisme l’a emporté

Deux frères, deux idéologies, un trône. La guerre civile portugaise, qui opposa les troupes de Pierre à celles de Michel entre 1828 et 1834, fut l'un des épisodes politico-militaires les plus importants de l'histoire du Portugal.

 

La guerre entre Pierre IV de Bragance, ancien empereur du Brésil, roi du Portugal et libéral modéré, partisan du constitutionnalisme, défendait le droit à la vie, à la liberté et au bonheur, et son frère Miguel Ier, un absolutiste déterminé, qui considérait que le monarque devait être le centre du pouvoir dans une société organique et stratifiée (noblesse, clergé, bourgeoisie et peuple), se doublait à son catholicisme intransigeant, et son rejet du libéralisme comme un produit de l’étranger, porteur de guerre civile, était à la fois un conflit civil et un conflit militaire pour la succession, divisant un pays en deux parties. Au début du XIXe siècle, le Portugal était une monarchie absolue. En novembre 1807, eut lieu la première invasion napoléonienne. Jean  VI, alors prince régent, s'enfuit avec la cour au Brésil. Le Royaume-Uni vient à la rescousse, bat les Français en 1813 et prend le contrôle du pays. En 1820, la Révolution libérale expulse les Britanniques. Le régime constitutionnel fut créé en 1822 et, peu de temps après, Pierre IV proclama l'indépendance du Brésil, où il fut reconnu comme empereur. La mort de son père en 1826 allait déclencher deux décennies de troubles nationaux. L'héritier premier-né du titre, désormais Pierre IV, revient à Lisbonne. Avec un État profondément divisé – son frère Michel avait tenté à deux reprises des coups d’État contre le parlementarisme – et, conscient que le pays n’accepterait pas un double monarque, il accorda une nouvelle Charte constitutionnelle, plus conservatrice que celle de 1820. Dans le sens modérateur, Pierre IV abdique en faveur de sa fille de 7 ans, Marie, et accepte son futur mariage avec Michel 1er, exilé en Autriche, qui jure sur la Constitution conciliante. Michel 1er revint d'exil pour honorer l'accord. Dès son arrivée à Lisbonne, il prit pour acquis ce qu'il avait dit. Succédant à sa sœur Isabelle dans la régence de Marie II en 1828, arrivée dans le pays et étant accueillie avec enthousiasme par la population, Michel dissout le système parlementaire, rétablit l'absolutisme et se fait proclamer roi, manquant ainsi à ce qu'il avait promis à l'empereur brésilien. Naturellement, les libéraux ont essayé de réagir au Portugal et ont rapidement promu un coup d'État militaire à Porto : la Belfastada. Le coup d'État fut rapidement contrôlé par les Miguelistes, les libéraux s'enfuirent en Espagne, atteignirent la côte galicienne et partirent en exil à bord du vapeur Belfast. Les libéraux furent persécutés et emprisonnés par milliers, beaucoup furent tués et un grand nombre furent contraints à l'exil. Marie II finit par débarquer à Londres où elle rencontre Victoria, l'héritière de la couronne d'Angleterre, à qui elle sera à jamais liée par une étroite amitié, tout en promouvant la cause libérale portugaise, avec l'élite libérale portugaise en poste là-bas. Le coup d’État de Michel a renversé un régime constitutionnel établi par un souverain légitime et reconnu par toutes les puissances, le corps diplomatique portugais coupe en 1828 tout contact avec Lisbonne et grossit les rangs de l’émigration. Le plus important d’entre ces diplomates, le marquis de Palmela, ambassadeur à Londres, en prend la tête et crée dans la capitale britannique une régence provisoire au nom de la charte constitutionnelle de 1826, qui s’établit en 1830 sur la petite île de Terceira aux Açores, reprise aux partisans de Michel l’année précédente. Ce gouvernement en exil s’applique à organiser l’expédition militaire qui, en 1832, pourra finalement appareiller pour le Portugal. L’exil des libéraux participe à l’émergence d’une opposition plus idéologique, tendanciellement démocratique, qui commence de s’exprimer à partir de 1830, car le panorama changea considérablement. En France, cette année-là, eut lieu la Révolution de Juillet qui renversa Charles X du trône et le remplaça par Louis Philippe d'Orléans, un libéral qui soutint progressivement la cause libérale portugaise. Les libéraux portugais ont également mis de côté leurs différences et ont trouvé un dénominateur commun : vaincre le Miguelisme. Les libéraux portugais se tournèrent également vers Pierre Ier, qui était en difficulté au Brésil parce qu'il n'arrivait pas à apaiser la famille libérale brésilienne. Celle-ci n’empêche cependant pas ses promoteurs d’obéir aux ordres de la régence, qui, à partir de la fin de 1831, enjoint tous les exilés mâles à se préparer à partir en guerre contre le régime de Michel. L’exil favorise ainsi, en l’absence de parlement et de législation portugaise sur la presse et les associations, en dehors du territoire national, l’apprentissage du débat public et l’affirmation du rôle de censure du gouvernement exercée dans un régime libéral par l’opinion publique, à laquelle se réfèrent de très nombreux pamphlets et articles de l’exil.

 

Les puissances européennes observaient la guerre civile avec intérêt, car elles craignaient que les idées libérales ne se propagent à leurs propres systèmes. Pierre ne tolère pas l’usurpation. En 1831, il céda l'empire à son fils, qui devint Pierre II du Brésil. Cherchant du soutien pour expulser son frère du pouvoir et donner le trône au propriétaire légitime, il revient en Europe travaillée par la propagande libérale, forme une armée, trouve de l’aide sur l'île libérale de Terceira, aux Açores, et occupe les Açores. De là, il lance l'attaque sur le continent en 1832. Là, la lutte entre frères allait dégénérer en guerre civile. La guerre civile portugaise a commencé avec le débarquement de l'armée libérale de Pierre IV sur la plage de Pampelido le 8 juillet 1832. Ses 8300 hommes comprenaient des centaines de mercenaires anglais et français, des volontaires belges, allemands et italiens, des réfugiés polonais et des soldats portugais prêts à risquer leur vie contre l'armée de Michel Ier, qui comptait 80 000 hommes. Une guerre qui paraissait inégale pour l’armée de Pierre, après que l’objectif des libéraux était de conquérir rapidement Porto réussirent à briser le blocus en débarquant en Algarve avec le soutien anglais puisqu’ils engagèrent un officier de marine anglais, Charles Napier, pour commander leurs forces navales, et marchèrent sur Lisbonne, qui fut libérée le 24 juillet 1833, ce qui permit aussi la fin du siège de Porto en août, cependant après plusieurs batailles au cours desquels les troupes miguelistes révélèrent leurs faiblesses, après s’être dirigées vers le sud pour rencontrer les libéraux, où les opérations militaires eurent un impact particulier sur l'Estrémadure, où Leiria resta fidèle à Michel 1er, et sur le Ribatejo, où ce dernier avait installé son quartier général à Santarém, les troupes miguelistes se font finalement battre par les libéraux à Asseiceira, à Tomar. La guerre ne prit fin qu'après l'intervention de la quadruple alliance (traité conjoint entre Marie Christine, régente d'Espagne, Pierre, régent du Portugal, la France et l'Angleterre qui détermina le soutien aux libéraux ibériques). Michel se rendit et signa la Convention d'Evoramonte. Michel fut expulsé d'abord à Rome, puis à Londres et, enfin, en Allemagne, après son mariage avec la princesse Adélaïde de Lowenstein, et ne revint jamais au pays, mourant en Allemagne en 1866. 

 

À l'âge de 15 ans, après la fin de la guerre civile, Marie II a posé le pied sur le sol de son pays pour la première fois. Enfin sur le trône, elle se promit qu'elle serait une bonne reine, et plus heureuse que sa très chère mère ne l'avait été. Son mariage avec Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha, père de ses onze enfants, fut véritablement heureux, comme elle le confie dans ses lettres à sa «chère cousine Victoria» - désormais reine elle-même et mariée au cousin germain de Ferdinand, Albert. Cependant, son règne fut marqué par des transformations sociales et économiques et une forte instabilité politique, avec des changements constants de ministres, une intense activité parlementaire pour ou contre la Charte constitutionnelle ou telle ou telle Constitution et des révoltes populaires constantes qui affectèrent la figure de la reine elle-même. Ce qui explique que la victoire militaire de 1834, qui provoque l’exil de plusieurs milliers de partisans de la monarchie absolue, ne met pas un terme à l’émigration libérale. Des conflits de faible et moyenne intensité, mélange de guérilla et de banditisme, se poursuivirent après la guerre jusqu'au déclenchement des révoltes de Maria da Fonte et de Patuleia dans la seconde moitié des années 1840. À cela il faut ajouter l’instabilité politique du camp libéral lui-même, qui a conduit l’historienne M. Fátima Bonifácio à définir la période 1834-1851 comme une guerre de tous contre tous. La Régénération de 1851 mit fin à cette longue période d'affrontements, de révoltes et de conflits civils au Portugal. Jusqu’à la stabilisation du régime constitutionnel en 1851, l’opposition entre les différentes tendances du libéralisme suscite plusieurs crises révolutionnaires et courtes guerres civiles, qui poussent vers l’étranger les vaincus du moment, tantôt les libéraux conservateurs, tantôt les démocrates. Comme leurs prédécesseurs, ces exilés participent, par leurs publications et leur engagement, à la vie politique et intellectuelle de leur pays d’accueil. À cet égard, l’émigration démocratique portugaise en France, qui adhère avec enthousiasme à la révolution de 1848, est déterminante pour l’émergence du socialisme lusitanien. Pour Marie II, la première reine constitutionnelle qui, malgré son inexpérience, a affronté des revers politiques, laissant son empreinte dans l'histoire du pays, notamment en créant l'éducation primaire gratuite, en développant les voies de transport terrestres et fluviales et en fondant l'Académie des Beaux-Arts et le théâtre qui porte son nom à Lisbonne. Le 15 novembre 1853, après avoir donné naissance à son onzième enfant, elle décède, sans même avoir eu le temps de dire au revoir à ses enfants et à son mari. Elle laisse derrière elle une famille et un peuple désemparés, ainsi qu’une stabilité politique qu’elle avait réussi à atteindre grâce à un travail acharné.

 

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m’ont beaucoup aidé : Jordi Canal, Guerra civil y contrarrevolución en España y en la Europa del Sur en el siglo XIX dans Dossier: Guerras Civis, dans Ler Historia, 51, 2006, Isabel Stilwell, D. Maria II - Tudo Por Um Reino, A Esfera dos Livros, 2012, Luísa V. de Paiva Boléo, D. Maria II : A Rainha Insubmissa, A Esfera dos Livros, 2014, Grégoire Bron, L’exil libéral portugais du début du XIXe siècle (1808-1834) dans Actualité de la recherche : Débats. Terres d’exil, terres d’asile (Europe méridionale, XIXe-XXIe siècle), dans Les métaux précieux : de l’extraction à la frappe monétaire (Antiquité - Moyen Âge), 48-1, dans Mélanges de la Casa de Velázquez, 2018, p. 315-321, https://www.nationalgeographic.pt/historia/era-bandoleiros-jose-do-telhado-joao-brandao-remexido-jose-joaquim-sousa_6011, Fernando Rita, A Guerra Civil Portuguesa, Guerra e Paz Editores, 2020, Sérgio Veludo Coelho, The War of the two Brothers. The Portuguese Civil War, 1828-1834, HELION & Company, 2021, https://ataijadecima.blogspot.com/2018/03/a-guerra-civil-1832-1834-na-nossa-regiao.html, https://ensina.rtp.pt/explicador/a-guerra-civil-entre-liberais-e-absolutistas-h65/, https://www.infopedia.pt/artigos/$guerra-civil-em-portugal-(1832-1834), et https://www.publico.pt/2023/01/06/impar/noticia/principes-guerra-d-pedro-d-miguel-dar-licoes-william-harry-2034036.

 

Merci !

1 commentaire:

  1. COUCOU ... BONJOUR chers ALEXANDRE & RAPHAËL,
    je VOUS souhaite une belle SOLENNITÉ de l'ASCENSION,
    une agréable FÊTE de la VISITATION le 31 Mai,
    une bonne fin du mois de mai, le plus beau de l'année,
    non par la météo mais des nombreux jours fériés ... MDR
    Bon Jeudi de l'ASCENSION ... CIAO @ + ... KISS ... AMITIÉS !
    .

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