Amis

dimanche 13 avril 2025

Le dimanche des rameaux, entre événement historique et traditions portugaises

La tradition du dimanche des Rameaux est profondément ancrée dans la culture portugaise. Les fidèles se préparent à la Semaine Sainte durant les quarante jours du Carême, période de pénitence et de préparation spirituelle qui commence le mercredi des Cendres. Et c’est le dimanche des Rameaux que culmine cette préparation, ouvrant officiellement les journées de réflexion qui mènent à Pâques. Tout comme le jour où Jésus a été acclamé par des personnes qui apportaient des rameaux avec eux, à cette date, les gens accompagnent la procession avec des rameaux. Lors de la cérémonie du dimanche des Rameaux, ces branches sont bénies. Par conséquent, certaines personnes choisissent de prendre une branche d’un théier, qu’elles pourront ensuite consommer.

 

Après l’arrestation de Jean-Baptiste par Hérode Antipas au début de l’année 28, Jésus préfère fuir avec ses disciples (André et son frère Simon, Philippe, Jacques et Jean, fils de Zébédée) et poursuit seul son ministère en Galilée durant le printemps 28 se rendant pour la noce de Cana, puis à Nazareth, où il annonce qu’il est le Messie prophétisé par Isaïe, à nouveau à Cana, où deux nouveaux disciples le suivent (Nathanaël ou Barthélemy, et Thomas) et il guérit le fils d’un fonctionnaire d’Hérode, et à Capharnaüm, où il prend pour disciple Matthieu, un publicain (percepteur des impôts), responsable peut-être du péage d'Hérode, puis la fête de Pâque l’appelle à Jérusalem où il rencontre le pharisien Nicodème, puis de Jérusalem, il parcourt le pays de Judée, va en Samarie, où il rencontre la femme samaritaine du puits de Jacob, pour la Galilée, où il mène une vie errante de prédicateur-prophète optimiste et joyeux, tout comme Jean il appelle à la repentance devant l’imminence du jugement, persuada un important groupe de personnes le suivre et des disciples sans doute venant de la petite bourgeoisie et de l’artisanat qui se groupent autour de lui appelant parmi eux les Douze (parmi les 9 disciples qu’il a déjà, il ajoute Jacques, fils d'Alphée, Jude Thaddée, Simon le Zélote (ou le Cananite), et Judas l'Iscariote, le seul judéen du groupe) pour symboliser la restauration d’Israël (c’est-à-dire la venue du Royaume) et des femmes (Marie de Magdala, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Chuza, intendant d’Hérode Antipas, Susanne, Marie, mère de Jacques et de Joses, et Salomé, mère des apôtres Jacques et Jean) sans doute aisées qui les accompagnaient et les servaient en prenant sur leurs ressources, et malgré ce que disent les évangiles ses relations avec ses frères, notamment Jacques, n’ont pas été si mauvaises même avant sa mort. Il offre aussi aux pécheurs une place dans le royaume sans exiger de repentance. Peu à peu les foules (parmi eux elle les paysans et les exclus) qui évoquaient à voix basse les grands rois et les prophètes qui avaient libéré Israël et le voient comme un «prophète à la manière d’Élie», s’enthousiasment à son message, car il croyait à l'égalité réelle de tous, sans exception, et à ses miracles (qu'il ne faut pas confondre avec la magie) qu’on peut attribuer à des causes naturelles plutôt que surnaturelles, mais il n'a pas proclamé un programme social mais le royaume de Dieu dans le sens de la venue de Dieu pour transformer les gens et régner dans les derniers temps, même s’il semble avoir essayé de réorganiser la vie de village en Palestine en un royaume de ce monde, attendant de Dieu qu'il renverse les différents dirigeants politiques romains et juifs de Palestine, et ce règne était déjà présent dans le ministère de guérison et d'exorcisme de Jésus. Il garda pour base Capharnaüm, et sa phase galiléenne se passe en grande partie dans cette ville, il traverse le lac de Galilée parcourant toutes les villes et enseignant dans les synagogues revenant toujours à Capharnaüm et sa renommé grandit entre juillet et octobre 28.  Jean-Baptiste en prison demande à ses disciples de le suivre après les avoir envoyé auprès de lui, il intensifie son action dans le pays des Gérasiens où il délivre un possédé, revenu à Capharnaüm, il guérit la fille de Jaïre, le chef de la synagogue locale, gagnant un soutien important dans la ville.

 

Après avoir parcourut tous les villages des environs pour y donner son enseignement, Jésus est satisfait du succès de l’envoi des Douze en janvier 29 au point que d’autres guérisseurs et exorcistes ont travaillé en son nom au mécontentement des Douze, mais il apprend la mise à mort de Jean le Baptiste sans doute en mars 29 par Hérode Antipas qui a pris soin de couper son mouvement à la racine afin d’éviter des troubles durant la Pâques, puis Jésus traverse le lac de Tibériade et se rend à Bethsaïde, où a lieu la multiplication des pains faisant un miracle comme un «prophète semblable à Moïse», préparant la foule sur place à la restauration d’Israël, mais celle-ci voulut le faire roi, et Jésus préféra partir, il y guérit aussi un aveugle, Jésus se retire, mais attire la méfiance d’Hérode Antipas et retourne à Jérusalem pour la Pâques de l’an 29 où il guérit un paralytique sur le lieu de la piscine de Bethzatha, sans soute demeure-t-il durant cette période chez des sympathisant judéens à Béthanie (Lazare et ses sœurs Marthe et Marie, et Simon le lépreux) faisant sans doute partie des nantis et des nouveaux riches qui montaient dans l’échelle sociale et qui voulaient que la Terre sainte soit purifiée des occupants romains, puis il se rend au bord du lac de Tibériade puis à Capharnaüm, fait quelques incursions en Galilée entre avril et mai 29, la quitte avec ses disciples, il va ensuite en entre mai et juillet 29 en Phénicie pour éviter Hérode Antipas qui veut s’emparer de lui où il guérit la fille d’une syro-phénicienne après avoir été impressionné par sa bonne réponse, puis dans la Décapole, où il guérit un homme sourd et muet, et retourne au lac de Galilée entre juillet et septembre 29, puis erre quelque temps avec ses disciples en Galilée sans trop faire parler de lui, visite encore une fois Nazareth et Capharnaüm, va à Magdala, puis il quitte la Galilée et regagne la contrée de Césarée de Philippe, où Pierre déclare que Jésus est le Messie, et la Transfiguration à laquelle assiste Pierre, Jacques et Jean serait une intronisation royale des rois juifs selon le modèle du Psaume 2, à partir de là, Jésus semble avoir ferme et inflexible dans sa mission, puis il se rend en Pérée, en Judée par la Samarie, où dans un village les fils de Zébédée sont mal reçu et Jésus doit calmer leur mécontentement, traverse Jéricho, où Jésus rencontre Zachée, un riche fonctionnaire juif qui collecte les impôts pour le compte du gouvernement romain, se trouve dans le voisinage de Jérusalem, où il va pour la fête des Tabernacles et la fête de la Dédicace. Pour Jésus, la Loi devait être pleinement observée et la justice sociale mise en œuvre, ce qui amènerait à sauver son peuple autrefois élu, et cela si les lois bibliques protégeant les pauvres et les nécessiteux étaient appliquées, si les intérêts n’étaient plus exigés sur les prêts à l’homme qui avait besoin d’aide, et si chacun traitait son prochain avec justice.

 

Avant la fête, les frères de Jésus essayent de pousser Jésus à se déclarer le Messie, mais il leur demande d’être prudents, car les Romains à travers le préfet de Judée depuis 26, Ponce Pilate qui s’est fait de nombreux ennemis comme quand il fit entrer des étendards à l’effigie de l’empereur qui entraina une réaction populaire, puise dans le Trésor du Temple pour construire un aqueduc avec l’accord du Sanhédrin, dispersa une manifestation populaire faisant plusieurs morts, et il place des boucliers en l’honneur de l’empereur dans le palais d’Hérode, mais cette fois ci les princes hérodiens soutiennent la foule, dirigeaient la Judée avec une main de fer et une sophistication digne de l'empire. Ils aimaient les couches riches de la société et les corrompaient en conséquence. Même les grands prêtres dirigés par Caïphe responsables de l'administration du Temple et de ses travaux étaient entachés d'une profonde corruption. Jésus pense que l'acceptation de sa doctrine sociale et religieuse par l'ensemble du peuple juif était la clé de la victoire, et qu'il était donc de son devoir et de son destin d'asseoir son ascendant dans la capitale, il a réagi activement et a décidé de monter directement à Jérusalem, pour y établir le Royaume de Dieu et montrer ses prétentions messianiques, avec une entrée messianique déguisée dont «la manifestation de Jésus a été assez modeste» et c’est une action symbolique pour ses initiés «qui avaient les yeux pour voir», prenant pour appui la fête des Tabernacles, fête juive de l’automne,  après la récolte des olives : les branches portées par les disciples … le chant de l’Hosanna, c’est-à dire du Psaume 117, qui est celui de la Fête et que l’on retrouve dans l’Apocalypse, la procession elle-même, la scène soit située sur le Mont des Oliviers est aussi en rapport avec les Tabernacles, car c’était là que les Juifs dressaient leurs huttes de feuillage avant la fête lui permettant de ne pas attirer l’attention des autorités romaines, mais cette «entrée royale», permet de déceler ses prétentions messianiques cachée autour d’un rite religieux, et en «purifiant» le Temple le lendemain, un geste qu’il a fait sous la colère après que le grand prête a décidé de transférer dans la cour du Temple, le Hanuth qui se trouvait auparavant au mont des Oliviers, une opération mercantile dépossédant les prêtres pauvres de ce financement, ce qui peut expliquer que la garde du Temple ne bougea pas approuvant le geste de Jésus, et en provoquant les autorités. Il avait intentionnellement accompli deux des prophéties de Zacharie – entrer dans la ville en tant que roi sur un âne et retirer symboliquement les «marchands» de la «maison de Dieu». Mais Jésus ne s’arrête pas là, car entre la fête des Tentes et de la Dédicace tout en guérissant un aveugle –né et se mettant en colère contre un figuier qui ne donne pas de fruits, ce qui n’est pas étonnant en automne, il prophétise la fin du Temple et ses adversaires essayent de le discréditer en essayant de le piéger avec l’épisode de la femme adultère et en remettant en question son autorité, en posant des questions sur l’impôt à Rome et sur la résurrection. 

 

Au Portugal, dans les églises et les rues, il est courant de trouver des croix ornées de branches de palmier, rappelant l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. Il s’agit d’une pratique qui unit les communautés chrétiennes, renforçant les liens de foi et de dévotion. Dans certains endroits, ce sont les fidèles eux-mêmes qui apportent à l'église, parfois la veille, les «palmitos», des branches de romarin, d'olivier, de laurier, de palmier, parfois décorées de rubans colorés, certaines avec les feuilles enroulées formant des spirales. Il existe une autre croyance dans tout le pays, selon laquelle les branches empêchent les orages. Lors des tempêtes, vous devez brûler quelques feuilles sèches de la branche bénie pour ralentir les éléments et éviter tout danger. Une autre tradition particulière de la Semaine Sainte est l’échange de cadeaux entre parrains et filleuls. Le dimanche des Rameaux, les filleuls offrent des bouquets ou des fleurs à leurs parrains, un geste qui est rendu le dimanche suivant par le «folar», un cadeau traditionnel de Pâques qui symbolise le renouveau et le partage entre les membres de la famille et de la communauté. Les repas ou plats de cérémonie, parfois accompagnés de pratiques particulières, créent un moment de «fête» (manger en mémoire) et montrent l'importance de l'alimentation dans la formation des rites. Le plat de cérémonie du dimanche des Rameaux dans de nombreuses régions du pays, et plus particulièrement dans le Nord, est la châtaigne, sous forme de bouillon de châtaignes pilées, généralement à base de haricots blancs.

 

Le dimanche des Rameaux, des processions ont lieu du nord au sud du Portugal. Les fidèles descendent dans les rues pour suivre les images sacrées en procession, emportant avec eux les branches bénies en signe de vénération et de dévotion. À Viana do Castelo, l'ordre de la cérémonie relève de la responsabilité de l'Intendance de la Croix : ce sont les majordomes de l'année qui accompagneront le prêtre dans la Boussole pascale, qui décoreront l'église, distribueront les cœurs de palmiers bénis et offriront au prêtre son propre bouquet, plus grand et plus beau que les autres. À la fin de la cérémonie, en sortant de l'église, les filles remettent les feuilles sculptées de leur branche aux garçons, qui les portent à leur revers. À Lousada – Penafiel, en plus des branches individuelles que chacun porte, il y a aussi, au milieu de l'église, un gros rameau d'olivier, lourdement décoré de fleurs et de rubans, que le prêtre bénit en même temps que les autres. À Quintanilha – Bragança, chacun apporte son propre bouquet de romarin et de mimosa, mais le sacristain reçoit également un gros rameau d'olivier, qui est brisé en petites branches pour qu'il parvienne à tous les fidèles. Les majordomes offrent également au prêtre un troisième rameau, également olive, mais spécial, orné d'un nœud en soie. Le prêtre bénit le grand rameau et le petit rameau de chacun, et tenant dans sa main le rameau offert par les majordomes, il distribue le gros rameau à chacun. Les gens coupent une petite brindille de leur part et la feuillètent autour de l'église, en priant un Notre Père et un Je vous salue Marie avec chaque feuille. Le prêtre cependant, après avoir donné à chacun le fiel du gros rameau, déposera sur l'autel de la Dame le rameau que les majordomes lui avaient donné, et qu'il avait porté à la main en distribuant le brin à chacun. Les gens, à leur tour, gardent le reste de leur rameau béni et, à l'occasion de la visite pascale, le déposent dans la chambre. Ici, on pense également que la branche peut aider à prévenir les orages, en protégeant la maison en général contre tout «mauvais air».

 

À Braga a lieu la Procession solennelle des Pas qui offre aux spectateurs, dans des images allégoriques et une mise en scène dramatique, la même chose qui, dans la Messe des Rameaux, a été lue dans l'Évangile de la Passion et nous rappelle que Jésus «a souffert pour nous, nous laissant un exemple, alors suivons ses traces» (1 Pierre 2,21). Il fait défiler les personnages qui sont intervenus dans le procès, la condamnation et la mort de Jésus : soldats, bourreaux et ennemis; mais aussi des Cyrénéens amicaux, des Madeleines repentantes et des femmes pieuses. Jésus lui-même, le «Seigneur des pas», portant la croix sur son dos, traverse les rues de la Ville, comme il parcourait autrefois celles de Jérusalem. Les écritures des Irmandades dos Passos de l'Archiprestado de Braga font partie du devant de la procession. La procession s'arrête à côté de l'église de Santa Cruz, pour le Sermon de Rencontre. Au cours de ce sermon, les auditeurs seront témoins de la rencontre émouvante entre Jésus et sa Mère Douloureuse, la «Dame des Douleurs». Elle est organisée par la Confrérie de Santa Cruz. À Escalos – Castelo Branco, en même temps que les sarments, les gens portent aussi parfois du pain que le prêtre bénit également, et qui reste «pain béni» et avec vertu tout au long de l'année. Ici, on croit que le «pain béni» doit être mangé ou donné un peu au bétail lorsqu'il gronde, pour ralentir et conjurer le danger. À Guimarães, dans le cérémonial chrétien, les palmes et branches bénies de ce jour qui restent en possession de l'église sont conservées dans la sacristie jusqu'au mercredi des Cendres de l'année suivante. Le mercredi des Cendres, ils sont brûlés afin qu'avec leurs cendres, le signe de la croix puisse être imposé sur le front des fidèles qui assistent à la messe des Cendres. Mais à Guimarães, cet incendie a lieu le mardi gras. Les rameaux du dimanche des Rameaux sont conservés tout au long de l'année, tantôt dans la cuisine, tantôt en tête de lit, tantôt dans l'oratoire ou à côté de toute image religieuse. Enfin, à Castelo de Vide, le dimanche des Rameaux, sont célébrées la bénédiction des rameaux et la procession des pas du Seigneur

 

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m’ont beaucoup aidé : Raymond E. Brown, Jésus dans les quatre Évangiles. Introduction à la christologie du Nouveau Testament, Cerf, 1996, Étienne Trocmé, Quatre évangiles, une seule foi, Editions Olivetan, 2001, John P. Meier, Un certain juif, Jésus. Les données de l'histoire, v.1, ch. 11 : La quinzième année... Une chronologie de la vie de Jésus, Cerf, 2004, pp 372-433, James H. Charlesworth, Jesus and Archaeology, Wm. B. Eerdmans Publishing, 2006, Senen Vidal, Jesús el Galileo, Sal Terrae, 2006, Dominique Foyer, Les récits du procès de Jésus, dans Histoire de la justice (2013/1 N° 23), Armand Puig i Tàrrech, Jésus, une biographie historique, Desclée de Brouwer, 2016, Jean-Yves Riou, Un magistrat romain dans l’imbroglio judéen dans le Dossier La Passion de Jésus, dans Codex n°3, printemps 2017, Emmanuel Durand, Jésus contemporain, Editions du Cerf, 2018, Christoph Theobald, Jésus – Christ : Bulletin de théologie systématique(1), dans Recherches de Science Religieuse, Tome 107, Facultés Loyola Paris, 2019/4, pages 687 à 738, Fernando Bermejo-Rubio, They Suffered under Pontius Pilate: Jewish Anti-Roman Resistance and the Crosses at Golgotha, Rowman & Littlefield, 2023, https://cincocantos.com.br/tradicoes-domingo-de-ramos/, https://maissemanario.pt/domingo-de-ramos-tradicao-e-devocao/, https://semanasantabraga.com/procissao-dos-passos/, https://www.bartehrman.com/historical-jesus/, https://www.biblicalarchaeology.org/daily/people-cultures-in-the-bible/jesus-historical-jesus/the-last-days-of-jesus-a-final-messianic-meal/, et https://www.cathedrale-catholique-clermont.fr/lentree-a-jerusalem/.

 

Merci et bon dimanche des rameaux !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Qu'allons nous voir ici ?

Ce blog s'intéressera avant tout à la question de l'historicité du roi Arthur durant les Dark Ages, une période de grands changeme...