Le 27 janvier 1945, les soldats de l'Armée rouge entrent dans
l'immense complexe concentrationnaire d'Auschwitz. En avril, les troupes anglo-américaines ouvrent les
camps de Buchenwald, Bergen-Belsen, Dachau, Mauthausen... Tout commence, le 11
avril 1945, quand la division américaine
Timberwolf entre à Nordhausen baptisé ainsi par les Américains, il s'agit en fait du camp de Dora. Ils se trouvent face
à un monde dont l'horreur dépasse tout ce qu'ils avaient imaginé.

Le camp
de concentration (KL) est
constitutif du nazisme. Il en est le
miroir le plus fidèle. Dès les premières heures du régime, il sert d'abord à éliminer les opposants politiques dans des bâtiments réquisitionnés en pleine
ville, puis très vite est érigé hors des zones urbaines selon une architecture
particulière. De concentration des prisonniers
sans droits, il élargit ses fonctions selon les besoins de l'État : instrument de la terreur
idéologique, il devient la machine de l'épuration sociale (malades mentaux, asociaux,
homosexuels), le centre d'une
économie du travail par le mortel esclavage de la main-d'oeuvre (les prisonniers
russes et les Slaves au premier
chef), un univers de convois ferrovaires et de rampes de sélection,
d'expérimentations médicales selon les pathologies des différentes catégories
de déportés, l'épicentre enfin du génocide des populations juives et tziganes en provenance de tous les pays
occupés. D'emblée, le camp fut le règne de la violence absolue, sitôt que la garde en fut confiée à la SS des camps dont les rangs s'ouvrirent
aux militants de base sans autre
formation idéologique que les sanglantes batailles de rues. Le camp ne répond
pas seulement aux évolutions du régime
nazi, il est un univers en soi avec ses propres règles, mélange de
bureaucratisme tatillon et d'arbitraire déchaîné, sur lequel entend régner Himmler. Un univers dont les Allemands ne pouvaient ignorer
l'existence, tant il fit l'objet de reportages
écrits, radiophoniques
et cinématographiques afin que
chacun sache de quel prix se payait la moindre dissidence.

Dès les années 1939-1940, eut lieu une
euthanasie systématique des malades
mentaux et des enfants présentent un
handicap. Ce fut la genèse du génocide. Dès 1941, les pogroms et les ghettos pullulent. Les premiers sont
des fusillades massives, des assassinats, les ghettos quand à eux permettent de rassembler les Juifs, avec une mortalité très forte,
des conditions de vie très dures, avec famine et épidémies, dont le plus connu
est celui de Varsovie. Ce sont des mesures provisoires avant le meurtre de
masse. Il y a eu la Shoah par balles en 1941, les condamnés devant
creuser leur propre tombe avant d'être fusillés. Ils continueront avec les
camions à gaz. Concernant les centres de mise à mort, les premiers furent
installés en URSS. Les SS, toujours
très pragmatiques, avaient pris grand soin à en choisir les emplacements et
quelque temps après leur mise en marche, faisaient remonter les premières notes
afin d’améliorer les conditions… de travail des assassins Les hommes
employés pour gérer ces centres de mise à mort sont souvent ceux qui œuvraient
déjà pour l’assassinat des enfants, malades, etc. À la fin 1941, le
régime nazi entama la construction
de bâtiments spécialement conçus pour servir de centres de mise à mort fixes en
Pologne occupée. On
en compte cinq : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, et Auschwitz-Birkenau.
Les Tsiganes, les Polonais (notamment issus de l'intelligentsia
et des élites), les responsables soviétiques, et les prisonniers de guerre soviétiques
furent tous victimes des meurtres de masse perpétrés par les Nazis et iront aussi dans les camps de
la mort.

À partir de la mise en place de la Solution finale, en 1942,
des Juifs de toute l’Europe y furent
acheminés dans les camps d'extermination : Auschwitz-Birkenau, Maïdanek,
Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka par trains entiers, de toute l’Europe même
si certains ont aidé les Juifs par des cachettes, des faux papiers ou l'aide
à la fuite, pour y être assassinés, parfois dès leur sortie des wagons dans des
méthodes de déshumanisation et d’extermination : les plus faibles, vieux, enfants, malades, étaient d’emblée conduits aux chambres à gaz sans même
entrer dans le camp à proprement parler. Les autres étaient entassés dans des baraquements sans hygiène, obligés
de travailler pour les nazis jusqu’à
ce que mort s’ensuive – de faim constante, d’épuisement, de mauvais
traitements, de maladie, dont les diarrhées, les corps déformés des vivants, ou
par gazage quand ils n’étaient plus en état d’être exploités, car ceux qui ne
travaillaient allaient au crématoire, c’était la peur continue car quand ils rentraient
du travail, ils ne savaient jamais de quel côté ils allaient être puisque les Allemands regardaient les personnes qui n'étaient pas capables de
travailler le lendemain. Ils les mettaient de côté et elles allaient
directement au crématoire. Mais, il y a aussi la camaraderie, le recours à
l’imaginaire ou aux souvenirs pour tenir. Parmi les milliers de camps que
compta le IIIᵉ Reich, six furent
ainsi des usines d’extermination : Belzec, Chemlo, Sobibor, Treblinka, Majdanek
et donc Auschwitz, le plus grand. Entre 900
000 et 1 million de Juifs y
périrent, 20 000 Tsiganes y furent
aussi assassinés.

Les Alliés,
de leur côté, étaient fort bien au courant du drame qui était en train de
s’opérer, des raisons militaires et politiques «empêchant» a priori de ne rien faire d’autre que de condamner… Avec
Alan Turing, un mathématicien de
génie, les Alliés avaient réussi à
déchiffrer Enigma, le code
allemand. Avouer qu’ils avaient une connaissance du génocide en cours
revenait à avouer leur capacité à décrypter des milliers de messages et donc
s’exposer à ce que les nazis
changent de méthode… la vie est peu de choses. Pourtant du 18 au 22 juin 1944,
grâce aux médias suisses, le rapport rédigé par deux prisonniers juifs slovaques après
leur évasion d'Auschwitz le 7 avril 1944 est rendu public dans le monde entier.
Cependant, les révoltes des Sonderkommandos
à Treblinka le 2 août 1943, à Sobibor le 14 octobre 1943 et à Auschwitz-Birkenau
le 7 octobre 1944 ont permis plusieurs centaines d’évasion et un coup
d’arrêt aux gazages. La 3e a échoué. La découverte et de la
libération, en 1945, des camps de la mort par les Alliés, est un moment de rupture où le monde prend conscience
de l'horreur du système d'extermination des Juifs, orchestré par le régime
nazi. C'est à ce moment-là que se révèle l'étendue de la barbarie nazie.
Les images des charniers et des corps
décharnés choquent le monde entier. Auschwitz, libéré par les Soviétiques le 27 janvier 1945, est
devenu le lieu symbole de la Solution finale. De nombreux survivants périrent aux dernières heures dans les marches
forcées par lesquelles les nazis
voulurent effacer les traces de leur crime devant la progression des armées
russes et alliées devenues fréquentes à la fin 1944 et en 1945. Il faut
rappeler que sur les 1,3 million de
personnes déportées, 1,1 million y
ont péri, dont près d'un million de
Juifs. C'est avant que se poursuive, au printemps, la libération des
camps de Buchenwald, Dachau, Bergen-Belsen, Sachsenhausen, Ravensbrück,
Mauthausen...

Cependant, les survivants n’ont pas ou peu parlé et surtout n’ont pas été écoutés.
Cependant, depuis 1945, les rescapés,
leurs proches, les historiens ou encore les écrivains documentent l'histoire de la Shoah, et
s'attèlent à la transmettre. C'est au travers de récits comme le Journal d'Anne Franck, ou Si c'est un homme que commence à
émerger et se former la mémoire de la Shoah. Des mémoriaux sont progressivement construits, et les
témoignages se multiplient à partir du procès d'Adolphe Eichmann en 1961. Puis, ce sont les politiques
mémorielles des États qui évoluent : Jacques
Chirac reconnaît en 1995 la responsabilité de la France dans la
déportation des Juifs, et
quelques années plus tard, l'enseignement de la Shoah finit par entrer dans
l'Éducation nationale. L'âge avançant, les rescapés se rendent compte de
l'urgence de témoigner. Cette urgence probablement amplifiée par l'actualité,
par la montée de l'antisémitisme
depuis quelques années, et pas seulement depuis le 7 octobre 2023.
80 ans
après, le souvenir des atrocités de la Shoah est plus que jamais un
enjeu de mémoire primordial
pour nos sociétés. Cette transmission mémorielle se
poursuivait grâce aux multiples témoins
qui l'entretenaient. Mais depuis quelques décennies, ces témoins s'éteignent avec leur incarnation de l'histoire de la Shoah.
Avec ces disparitions, la mémoire de
la Shoah entre définitivement dans l'histoire.
Pour aller plus loin, je vous conseille
ces lectures qui m’ont beaucoup aidé : Nikolaus Wachsmann, KL;
une histoire des camps de concentration nazis, Gallimard, 2017, Alexandre
Bande, Pierre-Jérôme Biscarat,
et Olivier Lalieu, Nouvelle histoire de la Shoah, Passés
Composes, 2021, https://actualitte.com/article/105572/chroniques/la-shoah-une-histoire-a-comprendre, et https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-du-soir-le-debat/la-transmission-de-la-memoire-de-la-shoah-est-elle-en-train-de-se-perdre-5702785, https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/1944-key-dates, https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/face-a-l-histoire/face-a-l-histoire-la-shoah-du-lundi-27-janvier-2025-4138225, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-info-culturelle-reportages-enquetes-analyses/80-ans-de-la-liberation-d-auschwitz-des-rescapes-de-la-shoah-continuent-a-raconter-l-histoire-5675222, et https://www.telerama.fr/livre/auschwitz-dix-livres-pour-comprendre-la-machine-d-extermination-nazie-et-ne-pas-oublier-l-horreur-7024078.php.
Merci !
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