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vendredi 11 avril 2025

Avril 1945 : La découverte des horreurs nazies à l’Ouest

Le 27 janvier 1945, les soldats de l'Armée rouge entrent dans l'immense complexe concentrationnaire d'Auschwitz. En avril, les troupes anglo-américaines ouvrent les camps de Buchenwald, Bergen-Belsen, Dachau, Mauthausen... Tout commence, le 11 avril 1945, quand la division américaine Timberwolf entre à Nordhausen baptisé ainsi par les Américains, il s'agit en fait du camp de Dora. Ils se trouvent face à un monde dont l'horreur dépasse tout ce qu'ils avaient imaginé.

 

Le camp de concentration (KL) est constitutif du nazisme. Il en est le miroir le plus fidèle. Dès les premières heures du régime, il sert d'abord à éliminer les opposants politiques dans des bâtiments réquisitionnés en pleine ville, puis très vite est érigé hors des zones urbaines selon une architecture particulière. De concentration des prisonniers sans droits, il élargit ses fonctions selon les besoins de l'État : instrument de la terreur idéologique, il devient la machine de l'épuration sociale (malades mentaux, asociaux, homosexuels), le centre d'une économie du travail par le mortel esclavage de la main-d'oeuvre (les prisonniers russes et les Slaves au premier chef), un univers de convois ferrovaires et de rampes de sélection, d'expérimentations médicales selon les pathologies des différentes catégories de déportés, l'épicentre enfin du génocide des populations juives et tziganes en provenance de tous les pays occupés. D'emblée, le camp fut le règne de la violence absolue, sitôt que la garde en fut confiée à la SS des camps dont les rangs s'ouvrirent aux militants de base sans autre formation idéologique que les sanglantes batailles de rues. Le camp ne répond pas seulement aux évolutions du régime nazi, il est un univers en soi avec ses propres règles, mélange de bureaucratisme tatillon et d'arbitraire déchaîné, sur lequel entend régner Himmler. Un univers dont les Allemands ne pouvaient ignorer l'existence, tant il fit l'objet de reportages écrits, radiophoniques et cinématographiques afin que chacun sache de quel prix se payait la moindre dissidence. 

 

Dès les années 1939-1940, eut lieu une euthanasie systématique des malades mentaux et des enfants présentent un handicap. Ce fut la genèse du génocide. Dès 1941, les pogroms et les ghettos pullulent. Les premiers sont des fusillades massives, des assassinats, les ghettos quand à eux permettent de rassembler les Juifs, avec une mortalité très forte, des conditions de vie très dures, avec famine et épidémies, dont le plus connu est celui de Varsovie. Ce sont des mesures provisoires avant le meurtre de masse. Il y a eu la Shoah par balles en 1941, les condamnés devant creuser leur propre tombe avant d'être fusillés. Ils continueront avec les camions à gaz. Concernant les centres de mise à mort, les premiers furent installés en URSS. Les SS, toujours très pragmatiques, avaient pris grand soin à en choisir les emplacements et quelque temps après leur mise en marche, faisaient remonter les premières notes afin d’améliorer les conditions… de travail des assassins Les hommes employés pour gérer ces centres de mise à mort sont souvent ceux qui œuvraient déjà pour l’assassinat des enfants, malades, etc. À la fin 1941, le régime nazi entama la construction de bâtiments spécialement conçus pour servir de centres de mise à mort fixes en Pologne occupée. On en compte cinq : Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, et Auschwitz-Birkenau. Les Tsiganes, les Polonais (notamment issus de l'intelligentsia et des élites), les responsables soviétiques, et les prisonniers de guerre soviétiques furent tous victimes des meurtres de masse perpétrés par les Nazis et iront aussi dans les camps de la mort. 

 

À partir de la mise en place de la Solution finale, en 1942, des Juifs de toute l’Europe y furent acheminés dans les camps d'extermination : Auschwitz-Birkenau, Maïdanek, Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka par trains entiers, de toute l’Europe même si certains ont aidé les Juifs  par des cachettes, des faux papiers ou l'aide à la fuite, pour y être assassinés, parfois dès leur sortie des wagons dans des méthodes de déshumanisation et d’extermination : les plus faibles, vieux, enfants, malades, étaient d’emblée conduits aux chambres à gaz sans même entrer dans le camp à proprement parler. Les autres étaient entassés dans des baraquements sans hygiène, obligés de travailler pour les nazis jusqu’à ce que mort s’ensuive – de faim constante, d’épuisement, de mauvais traitements, de maladie, dont les diarrhées, les corps déformés des vivants, ou par gazage quand ils n’étaient plus en état d’être exploités, car ceux qui ne travaillaient allaient au crématoire, c’était la peur continue car quand ils rentraient du travail, ils ne savaient jamais de quel côté ils allaient être puisque les Allemands regardaient les personnes qui n'étaient pas capables de travailler le lendemain. Ils les mettaient de côté et elles allaient directement au crématoire. Mais, il y a aussi la camaraderie, le recours à l’imaginaire ou aux souvenirs pour tenir. Parmi les milliers de camps que compta le IIIᵉ Reich, six furent ainsi des usines d’extermination : Belzec, Chemlo, Sobibor, Treblinka, Majdanek et donc Auschwitz, le plus grand. Entre 900 000 et 1 million de Juifs y périrent, 20 000 Tsiganes y furent aussi assassinés.

 

Les Alliés, de leur côté, étaient fort bien au courant du drame qui était en train de s’opérer, des raisons militaires et politiques «empêchant» a priori de ne rien faire d’autre que de condamner… Avec Alan Turing, un mathématicien de génie, les Alliés avaient réussi à déchiffrer Enigma, le code allemand. Avouer qu’ils avaient une connaissance du génocide en cours revenait à avouer leur capacité à décrypter des milliers de messages et donc s’exposer à ce que les nazis changent de méthode… la vie est peu de choses. Pourtant du 18 au 22 juin 1944, grâce aux médias suisses, le rapport rédigé par deux prisonniers juifs slovaques après leur évasion d'Auschwitz le 7 avril 1944 est rendu public dans le monde entier. Cependant, les révoltes des Sonderkommandos à Treblinka le 2 août 1943, à Sobibor le 14 octobre 1943 et à Auschwitz-Birkenau le 7 octobre 1944 ont permis plusieurs centaines d’évasion et un coup d’arrêt aux gazages. La 3e a échoué. La découverte et de la libération, en 1945, des camps de la mort par les Alliés, est un moment de rupture où le monde prend conscience de l'horreur du système d'extermination des Juifs, orchestré par le régime nazi. C'est à ce moment-là que se révèle l'étendue de la barbarie nazie. Les images des charniers et des corps décharnés choquent le monde entier. Auschwitz, libéré par les Soviétiques le 27 janvier 1945, est devenu le lieu symbole de la Solution finale. De nombreux survivants périrent aux dernières heures dans les marches forcées par lesquelles les nazis voulurent effacer les traces de leur crime devant la progression des armées russes et alliées devenues fréquentes à la fin 1944 et en 1945. Il faut rappeler que sur les 1,3 million de personnes déportées, 1,1 million y ont péri, dont près d'un million de Juifs. C'est avant que se poursuive, au printemps, la libération des camps de Buchenwald, Dachau, Bergen-Belsen, Sachsenhausen, Ravensbrück, Mauthausen...

 

Cependant, les survivants n’ont pas ou peu parlé et surtout n’ont pas été écoutés. Cependant, depuis 1945, les rescapés, leurs proches, les historiens ou encore les écrivains documentent l'histoire de la Shoah, et s'attèlent à la transmettre. C'est au travers de récits comme le Journal d'Anne Franck, ou Si c'est un homme que commence à émerger et se former la mémoire de la Shoah. Des mémoriaux sont progressivement construits, et les témoignages se multiplient à partir du procès d'Adolphe Eichmann en 1961. Puis, ce sont les politiques mémorielles des États qui évoluent : Jacques Chirac reconnaît en 1995 la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs, et quelques années plus tard, l'enseignement de la Shoah finit par entrer dans l'Éducation nationale. L'âge avançant, les rescapés se rendent compte de l'urgence de témoigner. Cette urgence probablement amplifiée par l'actualité, par la montée de l'antisémitisme depuis quelques années, et pas seulement depuis le 7 octobre 2023. 80 ans après, le souvenir des atrocités de la Shoah est plus que jamais un enjeu de mémoire primordial pour nos sociétés. Cette transmission mémorielle se poursuivait grâce aux multiples témoins qui l'entretenaient. Mais depuis quelques décennies, ces témoins s'éteignent avec leur incarnation de l'histoire de la Shoah. Avec ces disparitions, la mémoire de la Shoah entre définitivement dans l'histoire.

 

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m’ont beaucoup aidé : Nikolaus Wachsmann, KL; une histoire des camps de concentration nazis, Gallimard, 2017,  Alexandre Bande, Pierre-Jérôme Biscarat, et Olivier Lalieu, Nouvelle histoire de la Shoah, Passés Composes, 2021, https://actualitte.com/article/105572/chroniques/la-shoah-une-histoire-a-comprendre, et https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-du-soir-le-debat/la-transmission-de-la-memoire-de-la-shoah-est-elle-en-train-de-se-perdre-5702785, https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/1944-key-dates, https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/face-a-l-histoire/face-a-l-histoire-la-shoah-du-lundi-27-janvier-2025-4138225, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-info-culturelle-reportages-enquetes-analyses/80-ans-de-la-liberation-d-auschwitz-des-rescapes-de-la-shoah-continuent-a-raconter-l-histoire-5675222, et https://www.telerama.fr/livre/auschwitz-dix-livres-pour-comprendre-la-machine-d-extermination-nazie-et-ne-pas-oublier-l-horreur-7024078.php

 

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