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jeudi 26 décembre 2024

La saint Étienne, du premier martyr aux célébrations originales portugaises

Aujourd’hui nous fêtons Étienne, traditionnellement considéré comme le premier martyr chrétien (Actes 6-8). Membre des Hellénistes, des juifs de langue grec, doté d’un groupe dirigeant de sept personnes dans lesquels se trouve un prosélyte, paraissent avoir pris à l'égard du judaïsme une attitude tout autre que les Douze et la famille de Jésus dans la hardiesse de la polémique contre le culte du Temple et contre toute limitation locale du culte, et dans lesquels se dégagent Philippe et Étienne. Étienne sans doute le leader du groupe, est une personne charismatique, un thaumaturge inspiré, qui tient des propos radicaux contre le Temple et la Loi amenant un conflit dans les milieux juifs hellénisés, et sa lapidation fait suite à un lynchage populaire que n’a pu éviter le Sanhédrin en 36 pendant la vacance du siège du préfet de Judée. Les judéo-chrétiens ne paraissent avoir été inquiétés par les autorités juives de Jérusalem, car ils respectaient leurs accords pris entre l’an 33 ou 34. Cependant, la persécution d'Étienne est à l'origine même de la mission chrétienne : les «hellénistes» ont inauguré la mission en se rendant en Samarie (Actes 8 et Jean 4). La figure d'Étienne comme proto ou premier martyr apparaît surtout à partir du IVe siècle : les écrits antérieurs (par exemple ceux de Tertullien et d'Origène) insistent plutôt sur son caractère de prophète inspiré, et un calendrier de Nicomédie en 360 place sa fête le 26 décembre. Son culte a été bien aidé par la découverte des reliques d'Étienne dans le village palestinien de Kefar Gamala en décembre 415 par un prêtre nommé Lucien, et de sa rapide diffusion en Méditerranée orientale et occidentale en faisant venir le reliques d'Étienne à Constantinople par Pulchérie en 421, puis leur transfert à Rome en 589.

 

Le 26 décembre, jour de la Saint Étienne vient se greffer des traditions portugaises typiquement locales. Un autre exemple presque aussi ancien que l'histoire de Trás-os-Montes est la tradition du «Chocalheiro da Bemposta», qui combine des manifestations païennes, chrétiennes et profanes, avec le diable descendant dans les rues vêtu de noir, avec un masque écarlate et noir à deux cornes, une orange coincée dans chaque corne et aussi une barbiche. Cette tradition vient d'une légende selon laquelle le diable aurait tenté de séduire Notre-Dame alors qu'elle «attendait» la naissance de l'Enfant, et, en guise de punition, il aurait été condamné à mendier l'aumône pour elle et son fils. Avec des hochets bruyants, pour mieux s'annoncer au passage, le Chocalheiro descend dans la rue à deux reprises: le 26 (pour demander l'aumône à Notre-Dame) et le premier janvier (pour demander l'aumône, cette fois-ci, pour l'Enfant). Une autre tradition qui semble à première vue inhabituelle à la période de Noël est le «Magusto da Velha», une «pluie» de châtaignes du haut de l'église principale qui est célébré chaque année à Aldeia Viçosa, à quelques kilomètres de Guarda. La légende du XVIIe siècle raconte qu'une riche dame du village fit don de ses terres à la paroisse. En échange, il exigeait que la population se réunisse au moment de Noël pour prier le Notre Père en mémoire du bienfaiteur et offre 150 kilos de châtaignes qui seraient jetées du haut du clocher de l'église. C'est pourquoi le 26 décembre, à côté du grand feu de joie (le Madeiro), il y a une grande fête. Environ 150 kg de châtaignes sont projetés depuis le clocher de l'église principale. Autrement dit, il «pleut» des châtaignes pour la population, qui les mange avec le vin nouveau servi en souvenir de cette damela vieille – dont le nom est inconnu.

 

Les Caretos de Varge et d’Ousilhão continuent. Le 26 est dédié à Saint Étienne, patron des garçons avec la messe en son honneur. Pendant le déjeuner, a lieu l'élection des nouveaux majordomes. Dans le village d'Ousilhão, le 26 décembre, jour de la Saint-Étienne, au matin, a lieu la Ronde de l'Aube, suivie d'une visite des quatre jeunes gens dans toutes les maisons, où ils chantent et dansent en l'honneur du saint et des habitants. Après la visite, suit une messe solennelle en l'honneur du saint, en présence de tous les acteurs à l'exception des "masques". Pendant la liturgie, le célébrant procède à la bénédiction du pain. L'après-midi a lieu le rituel de la table de Saint-Étienne, au cours duquel les pouvoirs sont transférés des majordomes sortants à ceux qui sont sur le point de prendre leurs fonctions. À la fin, une procession est organisée avec les acteurs principaux, transportés dans la charrette à bœufs, et tout le monde jusqu'aux maisons des nouveaux dirigeants, où ils mangent, boivent et dansent... La fête se termine le soir avec la "blague", la danse traditionnelle exclusive à ces deux jours de fête. La fête de Santo Estêvão de Rebordelo est célébrée les 25 et 26 décembre, elle est également connue sous le nom de fête de Caretos ou Varas. Les personnages principaux sont les caretos et les quatre majordomes qui portent le titre de «rois». Les Caretos portent des costumes aux couleurs vives, confectionnés à la main. Ils mettent des hochets à leur ceinture avec lesquels ils font beaucoup de bruit en dansant. Le masque est fabriqué à partir d’une seule pièce de cuir peint en noir. Les rituels de la fête sont deux tournées autour du village, la collecte et les Joyeuses Fêtes, la messe, les «encamisadas» et la cérémonie de transmission des pouvoirs.

 

La Festa de Santo Estêvão/Festa dos Caretos dans la ville de Torre de Dona Chama continue le 26 décembre, avec une cavalcade est organisée avec des ânes, des caretos et des madamas (les garçons se déguisent en filles et les filles se déguisent en garçons) qui animent les rues, puis la messe est célébrée et l'après-midi c’est la représentation. Il y a un combat entre chrétiens et Maures qui consiste en des combats au corps à corps simulés et se termine par la défaite des Maures. En 2014, la tradition traditionnelle associée à la fête religieuse de Saint-Étienne a été réactivée dans le village de Travanca le 27 décembre. Faisant partie des festivités hivernales des communes de Vinhais et Terra Fria Transmontana, elles commencent par le retour au village des majordomes et des joueurs de cornemuse accompagnés des enfants pour demander l'aumône. La nuit, et à peu près de la même manière qu'autrefois, les plaisanteries se déroulaient dans un corral, où avaient lieu les combats de paille, le Baile Mandado, la cérémonie d'aumône et l'apparition des deux Caretos de Travanca. Il s'agit de la seule fête de la région où se déroule le Baile Mandado au cours de laquelle les deux majordomes dictent les débats, indiquant, avec leur bâton et à chaque chant des cornemuses, qui dansent avec qui.

 

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m’ont beaucoup aidé : Maurice Goguel, XI. — Christianisme primitif et Nouveau Testament, dans Annuaires de l'École pratique des hautes études, 41, 1931, pp. 53-56, Oscar Cullmann, Origines du christianisme, dans Annuaires de l'École pratique des hautes études, 74, 1965, pp. 124-127, Jean-Marie Mayeur, Luce Pietri, André Vauchez, Marc Venard (dir.), Histoire du Christianisme 1 : Le nouveau peuple (des origines à 250), Desclée, 2000, Marie-Françoise Baslez, Persécutions dans l'Antiquité: Victimes, héros, martyrs, Fayard, 2007, Damien Labadie, L’invention du protomartyr Étienne : Sainteté, pouvoir et controverse dans l’Antiquité (Ier-VIe s.), Brepols, 2021, Hugo Méndez, The Cult of Stephen in Jerusalem. Inventing a Patron Martyr, Oxford University Press, 2022, https://museudamascara.cm-braganca.pt/pages/124, https://museudamascara.cm-braganca.pt/pages/129, https://novidades.cidadaniaevisto.com.br/index.php/2022/02/14/natal-em-portugal/, et https://www.rotaterrafria.com/pages/330/?geo_article_id=7953.

 

Merci et bonne saint Étienne !

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