La colonisation de la steppe pontique
par les cités grecques en passant par les Varègues
du grand nord scandinave ayant façonné la puissante Rus’ tournée vers la lointaine et chrétienne Byzance qui commence avec Riourik,
qui devient alors le prince de Novgorod,
ville au nord de Kiev, et son successeur Oleg
le Sage s'empare de Kiev en 882 et l'érige en capitale, les racines de
l’Ukraine s’entremêlent et s’enracinent avec celles de cette Europe traversée
par une somme de peuples et de
cultures, puis en 988, la Rus’ de Kiev
se convertit officiellement au christianisme,
imitant d’autres régions d’Europe du
Nord et de l’Est, à ceci près que le rite adopté était celui, orthodoxe,
des Byzantins…, la Rus’ de Kiev faisait partie des puissances de l’an mil. Au XIe
siècle, sous les règnes de Vladimir Ier
et Iaroslav le Sage, elle est l'État
d’Europe le plus étendu, et une princesse kiévienne, Anne, épousa même Henri Ier,
roi des Francs, en 1051.

L’empreinte de ce passé ne saurait
toutefois se limiter aux siècles les plus anciens. Les problèmes de succession,
le morcellement en principautés
indépendantes, au cours du XIIe siècle, centrées sur une ville
fortifiée dont les principales sont Novgorod,
Vladimir, Souzdal et Moscou, bien
aidés par la ruine du commerce en direction de Byzance, à la suite de la prise de Constantinople et de la destruction de l’empire par les Croisés
en 1204, ont finalement raison de la Rus’
de Kiev, enfin, les invasions
mongoles du XIIIe siècle entraînèrent la chute de la Rus’ de Kiev,, et effectivement comme
les autres nations européennes, l’Ukraine est témoin au cours du Grand
Siècle et de l’époque moderne de l’avènement des empires. À la fin du XIVe
siècle, ses territoires ukrainiens
tombèrent dans l’escarcelle du grand-duché
de Lituanie qui, dès le deuxième tiers du XIVe siècle,
s’étendait de la Baltique aux rivages de la mer Noire, autour de l’actuelle
Odessa, et la Pologne qui prend pied
dans l'ouest de l'Ukraine en 1340 dont
influence ne cesse de croitre, se réunissent en 1569 au sein de la République des Deux Nations, sous ces
deux formes, la Lituanie puis la Pologne-Lituanie dominèrent les deux
tiers du territoire de l’actuelle Ukraine
jusqu’au milieu du XVIIe siècle, la nation dite «ruthène» se métamorphose à mesure qu’elle prend timidement
conscience d’elle-même dans la pluralité de ces systèmes politiques qui lui sont imposés. Depuis
la fin du XVIe siècle, dans les territoires
ukrainiens de la République des Deux
Nations, l’Église orthodoxe,
sous l’influence de la Pologne
catholique, avait fait partiellement allégeance à Rome et avait permis au catholicisme
de progresser dans ces régions. Pendant ce temps, dans le nord de la Rus’ de Kiev, le grand-duché de Moscovie prenait son essor et l’un de ses
dirigeants, Ivan III, se proclama "grand-prince de toutes les
Russies", étendant ses territoires jusqu’à la Baltique, la mer
Blanche, l’Oural et l’Ukraine orientale.

L’épopée cosaque et ses révoltes
multiples au service d’un idéal libertaire défiant la domination polonaise et russe
n’en sont que les premières manifestations, les cosaques sont des guerriers redoutés, qui, depuis le XVIe
siècle, désireux d’échapper au servage, ont cultivé leur autonomie en
bataillant pour le compte des États
polono-lituanien ou russe au gré
des alliances politico-militaires, parvinrent à soulever en 1648 contre la Pologne et à conserver leur
indépendance face aux Russes comme
aux Ottomans pendant l’essentiel des
XVIIe et XVIIIe siècles s’organisant politiquement pour
fonder l’Hetmanat. Ce régime, bien
que bref, est considéré par les historiennes et historiens comme le premier État ukrainien, jusqu’à la
déposition par les Russes du dernier hetman en 1764. Cependant que
la Crimée et le pourtour de la mer
d’Azov passaient des mains des Mongols
à celles des Turcs ottomans, avant
d’être conquise par la Russie dans
le dernier quart du XVIIIe siècle. En 1772, la Pologne est dépecée entre les Empires
centraux et la Russie. L'Autriche
récupère la Galicie, dernière possession polonaise en Ukraine. L'autorité russe s'étend sur le reste de l'Ukraine et sera totale à
partir de la fin du siècle. Sous le nom de Nouvelle
Russie, la Crimée et la rive
nord de la mer Noire jusqu’à la ville de Dniepropetrovsk
furent colonisées, principalement par des colons
venus de Petite Russie, c’est-à-dire
de la moitié nord de l’actuelle Ukraine.
De nombreuses villes furent fondées,
qui sont aujourd’hui parmi les plus importantes du sud de l’Ukraine : Kherson, Odessa, Melitopol, sans oublier Sébastopol et Simferopol en Crimée.

En 1876, avec l'oukase d'Ems, la Russie interdit la langue et la culture
ukrainienne. L’essor du nationalisme
au cours de la fin du XIXe et du début du XXe
représentera avec le déclenchement de la
Première Guerre mondiale une occasion inespérée pour accomplir le dessein
d’indépendance ukrainienne. L’Ukraine
accompagne et participe ainsi la chute des empires séculiers en 1917, mais manque de peu la réalisation
plénière de son indépendance à la différence des autres nations d’Europe centre-orientale puisqu’en 1920 la Renaissance
est exécutée, menant à une persécution massive et à l’exécution de figures culturelles ukrainiennes par le
régime soviétique avec la conquête
totale du pays par l'armée rouge de Lénine, le nouveau maître de la Russie
en 1921. En 1932, l’Union soviétique
met en place l’Holodomor, un génocide du peuple ukrainien qui fait quatre
millions de morts à travers le pays, car décidé à mettre au pas la paysannerie ukrainienne et à accélérer
la collectivisation, Staline a
orchestré ces vastes famines. Le traumatisme de ces persécutions fit voir à bon
nombre d’Ukrainiens l’arrivée des Allemands en 1941 comme une libération
: avant même la pénétration des troupes
allemandes sur le territoire, le chef des nationalistes ukrainiens, Stepan
Bandera, proclama l’indépendance de l’Ukraine à Lviv, mais il fut
rapidement arrêté par les envahisseurs.
Les nationalistes ukrainiens
formèrent donc une armée de guérilla,
qui se battit à la fois contre la Wehrmacht,
puis après la guerre contre l’armée
soviétique, à laquelle elle résista jusqu’en 1954. Cette année-là,
pour fêter le tricentenaire de l’Hetmanat
cosaque, Khrouchtchev rattacha
la Crimée, très majoritairement
russophone, à la République socialiste
soviétique d’Ukraine, laquelle donna dix ans plus tard son seul dirigeant
ukrainien à l’URSS : Leonid Brejnev. En 1960, se met en
place le Mouvement des Soixante, un mouvement de dissidence culturelle et
politique ukrainienne. L'Ukraine, n'est devenue véritablement indépendante
qu'en 1991.

Tout comme en Russie, l’effondrement du communisme
provoqua en Ukraine des désordres
économiques et, sinon une montée de la corruption, du moins sa privatisation,
avec l’apparition d’oligarques
perpétuant dans le nouveau contexte les luttes qui se tenaient jadis au sein de
l’appareil soviétique. L’Ukraine persévéra dans son ambition
démocratique, naturellement fragilisée par ce phénomène persistant. Puis en 2004, vient la révolution
orange qui permit à Victor
Iouchtchenko, soutenu par l’Ouest,
de remporter l’élection présidentielle après avoir obtenu l’annulation du
premier scrutin remporté par Viktor
Ianoukovitch. Mais la persistance des problèmes de corruption, ainsi que
les difficultés économiques issues de la crise de 2008, provoquèrent sa
défaite écrasante lors de l’élection de 2010, remportée cette fois par Ianoukovitch. En dépit de l’hostilité occidentale pour le candidat fraudeur de 2004, des
négociations furent engagées en vue d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne, mais Ianoukovitch décida finalement de ne
pas signer l’accord d’association. Cette décision, qui doucha les espoirs des Ukrainiens espérant le rapprochement
avec l’Europe. En 2014, c’est la révolution
de Maïdan, qui amorce une rupture franche avec le "grand frère" russe
pour se rapprocher de l'Union européenne
après des manifestations accusant Ianoukovitch de corruption et de
gouverner dans l’intérêt de la Russie, dont la répression ne fit qu’accroître
le mécontentement et grossir les manifestations à Kiev et ailleurs dans
le pays, débouchant sur la fuite de Ianoukovitch
en Russie. En 2014, c’est le début de la guerre d'annexion de la Crimée, et les Russes ont occupé des parties des régions ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk, et en 2022, c’est
l’invasion à grande échelle du pays car le président
russe Vladimir Poutine voulait en finir rapidement avec l'État ukrainien. Or, ce souhait s'est
heurté à une résistance ukrainienne
organisée et financée par l'Occident.
Pour aller plus loin, je vous conseille
ces lectures qui m’ont beaucoup aidé : Serhii Plokhy, Aux portes
de l'Europe : Histoire de l’Ukraine, Gallimard, 2022, https://laviedesidees.fr/Le-destin-europeen-de-l-Ukraine, et https://www.revue-etudes.com/critiques-de-livres/aux-portes-de-l-europe-serhii-plokhy/26210, Mariam Naiem, Yulia Vus, et Ivan Kypibida,
Ukraine petite histoire d'une longue
guerre avec la Russie du Moyen-Âge à nos jours, Robinson, 2025 (BD), et
https://www.ledauphine.com/culture-loisirs/2025/02/21/ukraine, https://www.geo.fr/histoire/rus-de-kiev-la-conquete-de-l-est-220610, https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/epoque-contemporaine/lhistoire-de-lukraine-un-si-long-chemin-vers-lindependance-81247.php, https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/03/les-cosaques-ces-combattants-fondateurs-de-l-ukraine_6128755_3232.html, https://www.lexpress.fr/monde/europe/dix-dates-pour-comprendre-l-histoire-de-l-ukraine_2178167.html, https://www.lhistoire.fr/pi%C3%A8ces-%C3%A0-conviction/l%E2%80%99ukraine-est-elle-russe%C2%A0, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/les-cosaques-d-ukraine-face-aux-empires-6624164, et https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/la-rus-de-kiev-chronique-des-temps-passes-7391706.
Merci !
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