
Dans son émission
de téléréalité, la star américaine Kim
Kardashian a affirmé qu’elle ne croyait pas aux premiers pas sur la Lune,
en 1969. Un «canular», selon elle.
Jeudi 30 octobre, Sean Duffy,
administrateur par intérim de la Nasa,
lui a répondu sur X. «Oui, nous sommes déjà allés sur la Lune…
six fois !», a écrit son administrateur par intérim sur X, en interpellant directement Kim Kardashian. Dans son post, Sean Duffy évoque également le programme Artémis de la Nasa, qui prévoit d’envoyer des astronautes vers la Lune en 2026. L’Américaine n’a pas tardé à lui
répondre, en demandant plus d’informations sur la comète interstellaire 3I/ATLAS, qui fait aussi l’objet de théories conspirationnistes. Il a
alors affirmé qu’elle ne constituait «aucune
menace pour la vie sur Terre». Il en a profité pour l’inviter au prochain
lancement au centre spatial Kennedy,
en Floride, mais n’a pas reçu de réponse cette fois-ci. La théorie
selon laquelle l'alunissage de 1969 n'a jamais existé alimente depuis longtemps
les débats sur les réseaux sociaux.
Cette théorie est insultante, car elle nie qu’au tout début des années 60, en
pleine guerre froide, la conquête de l’espace devient la scène où
Russie et États-Unis exposent leur maîtrise technologique, dans le but de
prouver la supériorité de leur modèle. Voyons cela de plus près.

En 1957. L'URSS met en orbite son Spoutnik 1, premier satellite artificiel à voler dans l'espace. Cela
vient de Sergueï Korolev, qui est
chargé par Staline de travailler sur
les v2 récupérés en Allemagne afin
de développer un programme de missiles
intercontinentaux, a conçu une fusée
balistique (Semiorka) capable de
porter une bombe nucléaire, parvient à convaincre les responsables politiques de l’utiliser à des fins expérimentales,
car la menace atomique stérilisait la recherche spatiale qui avait vu le Russe Constantin Tsiolkovski inventer les fusées à étages, les carburants
liquides, les moteurs, la stabilisation par gyroscopes; en 1926, l’Américain Robert Goddard fait décoller la
première fusée à carburant liquide;
l’Allemand Hermann Oberth lance sa
propre fusée en 1931; le Français Robert Esnault-Pelterie est à l’origine
de nombreux concepts techniques comme les moteurs-fusées, la propulsion, le
guidage, la navigation, la rentrée atmosphérique, l’usage de rétrofusées, et la
Seconde Guerre mondiale est un moment décisif dans le développement de
ces technologies avec les premières fusées que sont les v2, produites à plusieurs milliers d’exemplaires et lancées contre
l’Angleterre. En pleine guerre froide, les États-Unis découvrent la
nouvelle, partagés entre la peur et le désir de revanche, Korolev sera par la suite l’artisan des nombreux succès soviétiques
: c’est sous sa direction que seront réalisés l’envoi du premier être vivant
dans l’espace, la chienne Laïka
(1957). En réaction, le président américain Eisenhower annonce la création de la NASA en 1958. L’objectif de l’agence est d’organiser la riposte en
envoyant un homme dans l’espace avant l’URSS : c’est le programme Mercury. Ingénieur du missile V2 durant la Seconde
Guerre mondiale, récupéré en 1945 par le camp américain, le scientifique
allemand Wernher von Braun travaille
à combler le retard. Les futurs conquérants américains vont être choisis en
1959 parmi 5000 candidats,
majoritairement des pilotes de chasse de l’armée... Ils s’appellent Slayton, Carpenter, Cooper, Schirra, Sheppard, Grissom et Glenn. Les astronautes et leurs épouses
font la couverture de Life,
qui a obtenu l’exclusivité pour suivre de l’intérieur leur aventure spatiale.
La médiatisation des astronautes
américains et de leurs familles
éclipse les Soviétiques, mais
ceux-ci gardent un temps d’avance, car au mois de janvier 1959, la première
victoire est soviétique, incarnée par Luna
1, petite sphère bardée d'antennes devenue le premier engin spatial à fuir
la gravité terrestre pour s'approcher à moins de 6500 km de la surface lunaire.
Plus tard cette année-là, Luna 2
devenait la première sonde spatiale à entrer en contact avec le sol de la Lune
en s'écrasant dans le bassin de la mer des Pluies, non loin des cratères
Aristides, Archimedes et Autolycos. Toujours en 1959, une troisième mission Luna capturait les premiers clichés
brumeux de la face cachée de la Lune dont les terrains déchiquetés offrent un
contraste saisissant avec les bassins plus lisses de sa face visible depuis la
Terre. Et les Russes vont une
nouvelle fois damer le pion à leurs rivaux : le 12 avril 1961, Youri Gagarine devient le premier homme
à voyager en orbite autour de la Terre. Le président fraîchement élu John F. Kennedy cherche une riposte à
la hauteur de l'enjeu : von Braun
lui propose la Lune. Les États-Unis
rattrapent leur retard grâce aux succès des vols d’Alan Shepard en 1961, de Gus
Grissom en 1961, de John Glenn en
1962 puis de Scott Carpenter en 1962.
En 1962, le Président Kennedy promet
qu’un Américain ira sur la Lune à la fin de la décennie. Deux ans plus tard, la
Nasa lance son deuxième programme : Gemini. Un pas essentiel avant le
programme Apollo, qui doit
envoyer deux hommes sur la Lune. Vient ensuite l'entrée en jeu des États-Unis
avec les neuf sondes Ranger de la NASA, lancées entre 1961 à 1965, grâce
auxquelles les scientifiques ont
obtenu les premiers plans serrés de la surface lunaire. Le programme Ranger était un ensemble de missions ambitieuses
et ponctuelles, chaque engin ayant été conçu pour filer droit sur la Lune et
prendre un maximum de clichés avant l'impact final. Les missions Gemini s’enchaînent avec succès. Les 7 pionniers de Mercury ont rempli leur rôle : l’humiliation des Spoutnik est en passe d’être vengée, et
les astronautes Neil Armstrong et Buzz Aldrin se distinguent par leur
sang froid et leurs compétences. En parallèle, l’ingénieur Von Braun, l’âme de la Nasa,
mobilise toute l’Amérique de l’aéronautique sur Apollo. Avec le programme
Gemini, les Américains réussissent aussi leur première sortie extravéhiculaire
dans l'espace en 1965. En 1965, grâce aux images transmises par les missions Ranger, notamment Ranger 9, les scientifiques disposaient
d'un aperçu détaillé de la surface lunaire, un terrain accidenté qui allait
rendre difficile la recherche d'un site d'alunissage pouvant accueillir les
futures missions habitées. Mais l’Union soviétique a une certaine avance
puisque ses exploits continuent avec le premier vol d’une femme, Valentina Terechkova (1963), et la
première sortie spatiale, par Alexeï Leonov
(1965). Chacun de ces exploits apporte aux Soviétiques
une publicité mondiale de leur avance technologique. En 1966, la sonde
soviétique Luna 9 est devenue la
première à atterrir en douceur sur la surface lunaire. À son bord, une myriade
d'instruments scientifiques et de communications qu'elle a su mettre à profit
pour réaliser un panorama lunaire à ras du sol. Quelques mois plus tard, Luna 10 devenait le premier engin
spatial à réussir une mise en orbite autour de la lune. La même année, la NASA réussissait également à poser l'un
de ses engins sur la Lune, la toute première sonde spatiale Surveyor équipée de caméras pour
explorer l'environnement lunaire et d'échantillonneurs de surface conçus pour
analyser sa roche et sa poussière. Au cours des deux années suivantes, la NASA parviendra à placer cinq sondes Lunar Orbiter en orbite autour de notre
satellite naturel pour cartographier sa surface en vue de l'objectif ultime de
cette course à l'espace : l'envoi d'astronautes
sur la Lune. Ces orbiteurs ont photographié 99 % de la surface lunaire, un
travail qui a permis l'identification des sites d'alunissage potentiels et
ouvert la voie à un bond de géant dans l'exploration spatiale. Puis, le 27
janvier 1967, la Nasa inaugure
tragiquement la série des Apollo, qui vise l'alunissage : l'habitacle d'une
fusée s'embrase lors d'un entraînement, et trois
astronautes périssent dans l'incendie. C'est le premier choc des programmes
spatiaux : à cap Kennedy, les nerfs lâchent. Les hommes politiques sont dépassés, le personnel et les familles,
traumatisés. À la Nasa, on vit en
cercle fermé, étranger aux grands combats des années 1960. Poppy Northcutt n'en est pas moins la première femme ingénieur à
obtenir son siège dans la salle de contrôle. Les vols habités recommencent en
1968, dans une Amérique marquée par la guerre du Vietnam et les
meurtres de Martin Luther King et Bobby Kennedy. La Nasa doit rattraper son retard car les Soviétiques, touchés par la mort de Youri Gagarine en mars 1968 au cours
d'un entraînement aérien aux commandes de son MiG-15, réussissent avec une sonde spatiale le premier aller-retour
Terre Lune en septembre 1968. La course est lancée. L'équipage d'Apollo 8 le 24 décembre 1968 devient le
premier à voler en orbite autour de la Lune et offre comme cadeau de Noël
la première photographie d’un lever de Terre : pour la première fois,
l'humanité découvre la Terre filmée en couleur depuis l'espace. L’URSS est
définitivement distancée mais ne s’avoue pas vaincu pour autant.
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Bien qu’en retard sur les Américains sur ce point-là, les Soviétiques ont l’ambition de faire alunir un homme. Pour cela, il
leur faut réussir le tir de la fusée lunaire soviétique, la colossale N 1. Voisine en taille et en poids de
sa concurrente américaine Saturn V,
son premier étage, qui comporte trente moteurs, est le plus puissant jamais
construit. Les deux premiers lancements inhabités échouent, le second seulement
treize jours avant le décollage d’Apollo
11. Le 16 juillet 1969, un an et demi avant la date fixée par Kennedy, trois noms sont sur le point
de rentrer dans la légende : Michael
Collins, Buzz Aldrin et Neil Armstrong. Ils forment l'équipage
d'Apollo 11, qui se placera en
orbite autour de la Lune pour libérer un module habitable chargé de
l'alunissage. Le décollage de la navette est retransmis en direct aux
États-Unis, au Japon, dans toute l'Europe occidentale et en Amérique du Sud.
L'Union soviétique, elle, prépare Lunar
15, une navette inhabitée programmée pour alunir le même jour. Mais seconde
après seconde, c'est avec les astronautes
américains que 600 millions de
personnes partagent cette page de l’histoire de l’humanité, rivée devant le
petit écran, vibre à l'unisson. Enfin, le vaisseau se pose et Neil Armstrong, premier homme à marcher
sur la Lune, prononce une phrase appelée à devenir mythique : «C'est un petit pas pour [un] homme, [mais]
un bond de géant pour l'humanité.»… L'astronaute
et son compagnon de mission Buzz Aldrin
ont passé deux heures et demie sur la surface lunaire, explorant une zone alors
baptisée "base Tranquillity".
À leur retour, les trois astronautes
déclarent à la douane le contenu de ce qu'ils ont rapporté dans leur besace :
de la poussière noire et des cailloux lunaires, à l’odeur métallique et âcre
comme de la poudre à canon. Après Apollo
11, aucun des trois n'a plus
jamais volé dans l'espace bien que le programme Apollo se soit poursuivi avec d'autres missions lunaires. Neil Armstrong est décédé en 2012 à
l'âge de 82 ans et Michael Collins
en 2021 à 90 ans. Buzz Aldrin,
aujourd'hui âgé de 95 ans, est le seul encore en vie. Cependant, les Soviétique n’abandonnent pas. Le 27
juin 1971, un nouveau tir automatique de la N 1, qui emporte une maquette du vaisseau lunaire, échoue à
nouveau, cinquante secondes après le décollage. Un coup dur supplémentaire pour
les Soviétiques, qui, l’année
suivante, abandonnent définitivement leur programme lunaire habité après un
quatrième lancement raté. Les dirigeants
soviétiques, connus à l'époque pour leur vaste réseau de renseignements,
ont également félicité Apollo 11
pour son succès. Récemment, Youri
Borisov, chef de la société spatiale russe Roscosmos, a annoncé publiquement que les astronautes américains avaient fourni à la Russie des échantillons
de sol lunaire et que des tests effectués par l'Académie russe des sciences avaient confirmé leur authenticité. Avec
le succès d'Apollo 11, les États-Unis
ont pu démontrer leur supériorité technologique et s'imposer dans la course
à l'espace. Une position qu'ont confortée les missions Apollo suivantes. Par la suite, chaque mission dans
le sillage d'Apollo 11 a posé de
nouveaux jalons dans le voyage spatial et l'exploration lunaire. Quatre mois
après les premiers pas de l'Homme sur la Lune, ce fut au tour d'Apollo 12 de réussir son alunissage avec
une bien meilleure précision. Apollo 13
a frôlé la catastrophe avec l'explosion de ses réservoirs à oxygène en avril
1970, obligeant l'équipage à renoncer à son alunissage programmé. Les trois astronautes ont survécu. Au cours
du troisième alunissage en janvier 1971, le commandant Alan Shepard de la mission
Apollo 14 établit un nouveau record de distance parcourue sur la Lune :
2 700 m. Il s'est même octroyé le luxe de frapper quelques balles de golf dans
un cratère voisin à l'aide d'un fer-6 improvisé. Lancée en juillet 1971, Apollo 15 était la première d'une série
de trois missions capables de rester plus longtemps sur la Lune. Après trois
journées passées sur la surface lunaire, les astronautes avaient collecté plusieurs centaines de kilos
d'échantillons et parcouru plus de 27 km dans le premier Rover lunaire piloté. Entre temps, l'Union soviétique avait
envoyé sur la Lune un Rover contrôlé à
distance. Toutes deux lancées en 1972, Apollo
16 et Apollo 17 sont les plus
récentes des missions habitées à destination de la Lune et la sonde inhabitée Luna 24 lancée par la Russie en 1976
est la dernière à s'être posée sur la surface lunaire avant le siècle suivant.
Les échantillons recueillis au cours de ces explorations lunaires ont très
largement contribué à approfondir nos connaissances de la géologie et de la
formation du satellite de notre planète. Après les prouesses des années 1960 et
1970, les grandes agences spatiales
ont tourné leur regard vers d'autres cieux pendant plusieurs décennies. À ce
jour, le cercle très fermé des terriens
ayant posé le pied sur la Lune ne compte que 12 Américains du sexe masculin. Et suite à ces échecs successifs,
l’Union soviétique engage sa course à l’espace dans un autre domaine : les
séjours de longue durée à bord de stations
spatiales. C’est d’abord Saliout 1
et ses deux modules habitables –
elle est la première des huit stations
qui ont permis aux Soviétiques de
reprendre le leadership en matière de présence humaine permanente en orbite. Devancée,
l'Union soviétique s'est dès lors concentrée sur les stations spatiales. L'occasion de signer d'autres records, comme
celui du temps passé en orbite, toujours détenu par Sergueï Krikalev: 803 jours! La première mission de Krikalev sur la station MIR en 1991 a presque doublé la durée prévue à cause de
l'effondrement de l'Union soviétique sur Terre. Mais la rivalité demeure, la NASA lance son programme de navette spatiale en 1972, et l’URSS lui emboite
le pas avec le programme Buran
en 1980.

Malheureusement la théorie d’un «complot lunaire», ou moon hoax, prend forme aux États-Unis
durant la première moitié des années 1970, en plein contexte de défiance
grandissante de la population américaine à l’égard de son gouvernement (guerre
du Vietnam, Watergate…). Cela commence avec Bill
Kaysing, qui n’est pas ingénieur, ni scientifique, s’occupait juste de
faire des corrections de documents fut le premier à émettre l'hypothèse selon
laquelle la Lune n'aurait jamais été visitée en 1976 dans l'ouvrage "We
Never Went to the Moon : America's Thirty Billion Dollar Swindle",
(Nous ne sommes jamais allés sur la
Lune : l'escroquerie américaine de trente milliards de dollars),
affirmant notamment que les ceintures de radiations de Van Allen - le bouclier
magnétique de la Terre - auraient "grillé"
les astronautes si ceux-ci s'en
étaient approchés et qui les Américains
ne sont jamais allés sur la lune et toutes les images ont été tournées dans un
studio, tout en révélant selon lui plusieurs "incohérences" sur les images de la NASA : l’absence d’étoiles dans le ciel, le drapeau américain qui
flotte dans le vent, alors que la Lune n’a pas d’atmosphère, une roche de la
Lune qui semble porter une inscription faisant penser à lettre C, etc. Des
anomalies qui, bien souvent, n’en sont pas vraiment. La NASA a tenté de contrer les théories du complot grandissantes en
publiant en juin 1977 une fiche d'information intitulée «Des astronautes américains ont-ils vraiment marché sur la Lune ?»
La première phrase du document répondait succinctement à cette question : «Oui. Des astronautes ont bien marché sur
la Lune.» La note de deux pages cite explicitement le livre de Kaysing avant de réfuter ses
affirmations selon lesquelles la Defense
Intelligence Agency aurait mis en place un faux décor pour simuler
l'atterrissage au Nevada. À cause de cela vint l’hypothèse que Stanley Kubrick, qui n'est même pas
nommé dans l'œuvre de Bill Kaysing, qui
a été évoqué car selon l'opinion
publique, seul lui aurait pu, en 1969, rendre un alunissage fictif
réaliste. En 1968, l’ombrageux réalisateur avait fasciné la planète avec 2001, l’Odyssée de l’espace dont
les effets visuels lui avaient valu un oscar. Sans prétention de réalisme,
cette fresque volontiers métaphysique avait néanmoins requis le concours de la
Nasa, qui se trouva ensuite sans nul doute bluffée par le résultat. De là
naquit l’idée que l’agence avait ensuite pensé à Kubrick pour reconstituer un alunissage. Quelle autre raison qu’un
pacte de silence pouvait d’ailleurs expliquer que le réalisateur, quelques
années plus tard, ait obtenu de la Nasa
qu’elle lui prête ses précieux objectifs ultrasensibles pour filmer les scènes
éclairées à la bougie de Barry Lyndon
(1975) ? Le complot a pris une telle ampleur que Vivian Kubrick, la fille du cinéaste, s'est expliquée sur Twitter en juillet 2016. «Un artiste comme mon père, dont le profond
degré d'intégrité artistique est évidente, dont la conscience politique et
sociale est manifestement présente dans pratiquement chaque film qu’il a fait,
qui a risqué sa vie à aborder des sujets hautement controversés... Ne
pensez-vous pas qu'il serait la dernière personne à venir en aide au
gouvernement américain, et à trahir ainsi ses adeptes ?», explique-t-elle,
avant de qualifier cette histoire de «mensonge
grotesque». James Bond a aussi
sa part de responsabilité. Dans Les
diamants sont éternels (1971), Sean
Connery s'introduit dans une base de la NASA en passant par un casino de Las Vegas. S'ensuit une
course-poursuite à travers un décor lunaire, avec des astronautes restés sur Terre. Mais ici, il s'agit plutôt d'une
plaisanterie visuelle, un prétexte pour justifier une course-poursuite en buggy
lunaire dans le désert du Nevada. À l'époque du thriller conspirationniste Capricorn One (1978) de Peter Hyams, digne de Kaysing, l'idée que le gouvernement trompait tout le monde
n'avait rien de drôle. Il s'agit ici d'une mission sur Mars qui tourne mal. Les
autorités décident de simuler
l'accident et d'éliminer les astronautes
(dont l'un est interprété par O.J.
Simpson) pour les empêcher de révéler la vérité. Après le scandale du
Watergate, l'idée que le gouvernement
puisse mentir à cette échelle était devenue beaucoup plus plausible. La théorie
du canular ressurgit de plus belle au début du 21e siècle. En 2001,
le documentaire "Conspiracy
Theory: Did We Land on the Moon?" de John Moffet (traduit en français sous le titre "L'imposture de la Lune") est diffusé sur la
chaîne de télévision américaine Fox.
Bill Kaysing y participe et répète
les mêmes arguments, inlassablement. En 2002, Buzz Aldrin n’a pas hésité à balancer un coup de poing à Bart Sibrel, un réalisateur sceptique
qui maintenait qu’il n’était jamais allé sur la lune. La thèse du complot fait
même l'objet d'un faux documentaire en 2002 : "Opération Lune", de William Karel, diffusé sur Arte.
Le film met en scène de vrais intervenants, tels Buzz Aldrin ou le Prix Nobel de la Paix Henry Kissinger, qui délivrent des témoignages bidon. "Partant du principe qu’il ne faut pas
croire tout ce qu’on nous raconte, que l’on peut faire mentir les témoins,
truquer les archives, détourner n’importe quel sujet par un faux sous-titrage
ou un faux doublage, nous avons cherché un sujet à la fois universel et
historique et qui ne soit pas délicat, par exemple un assassinat ou une
guerre", explique le réalisateur. Selon lui, "le sujet se prêtait bien au propos : cela fait trente ans qu’il y
a débat sur la réalité de ces images." D'après l'intrigue inventée par
William Karel, le gouvernement américain aurait demandé à
Stanley Kubrick de mettre en scène
les premiers pas de l'Homme sur la Lune en studio, pour parer à un échec. Devant
la polémique déclenchée par ces divers ouvrages et pseudo-documentaires, la Nasa se montre peu loquace. En 2002,
elle a bien tenté de confier un projet de livre à l'historien James Oberg pour faire face aux
attaques, mais elle abandonne vite l'idée. En 2015 a ainsi circulé une vidéo de
soi-disant aveux posthumes de Stanley
Kubrick, censé avoir participé au Moon hoax de la Nasa en 1969. Un fake grossier. La même année, à l’occasion
d’un salon du livre à Washington, une fillette
demanda à Buzz Aldrin pourquoi personne
n’était retourné sur la Lune depuis 1972. Réponse de l’astronaute : «Nous n’y avons pas été… C’est comme ça… Et
si cela ne se produit pas, ce serait bien de savoir pourquoi.» L’alerte vieillard se bornait à constater
avec amertume que la Nasa avait
changé de priorités. D'ailleurs, il précise quelques instants plus tard sa
pensée, expliquant que, selon lui, le manque de moyens financiers et de volonté
politique sont les raisons de l'arrêt des expéditions lunaires. Mais, à aucun
moment, il ne laisse supposer que les missions du passé n'ont pas existé. Les complotistes, eux, exultèrent. À leurs
yeux, la sénilité de l’astronaute de
88 ans lui faisait enfin avouer la plus grande escroquerie du XXe
siècle. En 2015, les Russes se mettent de la partie. Vexés de la mise en cause par les Américains, de neuf de leurs officiels de la FIFA dans un scandale de
corruption pour l'attribution de la dernière Coupe du monde de foot à la
patrie de Vladimir Poutine, ils ont
officiellement, et pour la première fois, émis des doutes sur Apollo 11 et demandé une enquête.

Au début des années 2000, le développement d’Internet
relance le moon hoax. Des internautes
se mettent à analyser des milliers d’images de l’événement, dans l’espoir de
détecter ce qui pourrait constituer une anomalie prouvant la supercherie. D’autres cherchent et compilent des
arguments contestant la faisabilité technique de l’opération, allant jusqu’à
distordre des connaissances
scientifiques pour affirmer qu’il est impossible pour des humains
d’atteindre la lune. Le drapeau qui semble flotter malgré l’absence de vent ?
Il est tenu droit par une tige horizontale. L’absence d’étoiles dans le ciel
lunaire? Les étoiles sont bien là, mais la caméra n’était pas assez sensible
pour les capter. L’ombre du drapeau dans le «mauvais sens» ? En observant
d’autres clichés, on comprend qu’il s’agit de l’ombre du collecteur de vent
solaire, un tube d’1m de haut, se trouvant hors champ du premier cliché. Les sceptiques ont également détecté une
lettre C sur une roche lunaire. Selon la Nasa,
la lettre a été ajoutée a posteriori, ou c’est un cheveu qui s’est glissé sur
l’image pendant le développement de la photo... Selon les adeptes de cette théorie, les empreintes laissées sur le sol
lunaire ne correspondent pas aux semelles de la combinaison spatiale portée par
les astronautes. Cependant, les complotistes ont omis un détail
capital. La photo de Phil Plait ne
montre pas l’intégralité du costume spatial. Pour marcher sur la Lune, les deux astronautes ont enfilé des
surchaussures pour mieux se protéger. La semelle de ces protections correspond
mieux à l’empreinte laissée sur le sol lunaire. Une radiographie, publiée par
l’homme d’affaires américain Steve
Jurvetson, en donne un bon aperçu. Pour le module qui peut décoller sans
qu'apparaissent quelques flammes à sa base, c’est tout simplement parce que
celui d'Apollo 11 utilisait un fuel
à base d'hydrazine et de peroxyde d'azote qui provoque des flammes...
invisibles. Pour les combinaisons qui brillent c’est à cause du soleil, source
principale de lumière, son reflet sur la Terre et sur le sol de la lune, aux
propriétés très réflectives, explique pourquoi Aldrin semble très éclairé sur une photo, bien que capturé dans
l’ombre. Or, ces théories du complot témoignent d'un manque de connaissance
sur l’environnement lunaire. Au sujet des radiations, Phil Plait met en avant que les astronautes ne les ont traversées
que pendant une heure, évitant ainsi une surdose mortelle. Le rapport de la Nasa sur les radiations émises lors des
missions Apollo est mis en avant. La
théorie du complot lunaire ne se rend pas compte de la difficulté de
maintenir un mensonge au monde entier pendant cinq décennies sans qu'aucun employé de la NASA ne commette la
moindre erreur. L’histoire du fameux cratère manquant sous le module lunaire
s’explique par exemple simplement. À l’atterrissage, le moteur fonctionnait à
faible poussée. Sur la Lune, avec une gravité réduite, il ne fallait que très
peu de puissance pour freiner la descente. Dans ces analyses, les gens appliquent des connaissances sur
les effets de la lumière dans un environnement terrestre. L’environnement
lunaire est complètement différent. Il n’y a pas d’atmosphère et c’est
recouvert d’une fine poussière gris pâle que l’on appelle le régolithe. C’est
un matériau très réfléchissant. Ça crée des effets et des illusions que l’on a
du mal à s’expliquer. Pas assez de souffle pour creuser un cratère, juste de
quoi soulever un peu de poussière. Il faudrait aussi imaginer que les effets
spéciaux de 2019 étaient à la disposition de la NASA en 1969 et qu'aucun des 600 millions de téléspectateurs n'ait
rien remarqué d'anormal. 2001 :
L'Odyssée de l'espace de Stanley
Kubrick (1968) donne une bonne idée des possibilités offertes par les
effets spéciaux hollywoodiens à l'époque – et le résultat est extrêmement
médiocre. Il était vraiment plus simple de tourner en extérieur. Par ailleurs,
certains phénomènes visibles sur les images auraient été impossibles à truquer
avec la technologie des années 1960, comme la poussière soulevée par les pas
des astronautes ou les rovers lunaires, ou encore le moment où
le commandant d’Apollo 15, David Scott, a lâché simultanément un
marteau et une plume à la même vitesse. Les preuves des expéditions lunaires
sont nombreuses. En plus des photos et vidéos montrant les astronautes sur la
Lune ainsi que les traces des sites d’alunissage, les astronautes ont ramené au
fil de leurs missions 382 kilos de roches lunaires. En outre, les astronautes des missions Apollo ont
laissé de nombreux instruments sur la Lune, tels que des réflecteurs et des
sismomètres, qui sont encore utilisés aujourd’hui pour recueillir de
l’information sur cet astre. En 2009, la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO),
non habitée, a cartographié la surface lunaire et photographié les sites
d'alunissage des missions Apollo :
empreintes de pas, drapeaux, traces laissées par les rovers, tout était encore visible. Comme l'explique French : «On y voit clairement des traces laissées par
l'homme. Des miroirs ont été déposés sur la Lune pour répondre à des lasers
depuis la Terre ; ils fonctionnent toujours. Des roches ont été rapportées et
étudiées par des scientifiques du monde entier.» Même les Soviétiques, rivaux des États-Unis dans
la course à l’exploration spatiale, avaient confirmé à l’époque que les Américains étaient bien allés sur la
Lune.

Le moon hoax, comme toute théorie du complot,
repose ainsi sur une accumulation d’arguments hétérogènes plus ou moins
baroques, qui peuvent d’ailleurs fort bien se contredire entre eux sans que cela
ne pose problème. Un tel «mille-feuille
argumentatif», a pour seul objectif d’instiller le doute quant à la version
«officielle» d’un événement donné. Le
problème n’est pas forcément un manque d’éducation ou d’esprit critique, mais
c’est un manque de confiance envers les institutions.
Le problème vient du fait que des mouvances
complotistes d'un côté, ultrareligieuses
de l'autre, contestent jusqu'à l'authenticité des missions sur la Lune,
quand elles n'affirment pas que la Terre est plate. En 2024, le cinéma, encore
lui, risque bien d’ajouter une nouvelle pierre à l’édifice conspirationniste. Cet été sort dans les salles une comédie
américaine sur les coulisses de la mission Apollo 11. To the Moon,
avec l’actrice Scarlett Johansson,
évoque un projet de la Maison-Blanche
de filmer un faux alunissage au cas où la mission échouerait. De quoi
remettre les plus folles théories sur orbite ! Cependant, une copie de la
vidéo originale de juillet 1969 a été retrouvée et restaurée, rendant les
images de l'aventure plus nettes et moins contestables. Enfin, en 2015, 8000
clichés haute définition de la mission Apollo
11 ont été publiés sur la plateforme Flickr. Mais peu importe, les gens sont fascinés par l’idée d’un
mensonge d’État, et le complot lunaire est définitivement sur orbite.
Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures
qui m’ont beaucoup aidé : Patrick
Jeudy, Les Conquérants de
l’espace : Première partie : Mercury et Seconde partie : Gemini et Apollo, Roche Prioductions, 2019
(documentaire), Robert Stone, La conquête de la Lune - 1 : 1957-1963 :
La course est lancée, La
Conquête de la Lune - 2. 1964-1968 : les missions de tous les dangers, et
La Conquête de
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