La seconde moitié de l'année 1888 vit le
déroulement d'une série d'événements liés à la célèbre affaire de «Jack
l'Éventreur», surnom d'un énigmatique tueur en série du XIXe
siècle dont les crimes furent commis à Londres. S'il n'était pas le premier
tueur en série, «Jack l'Éventreur» fut cependant le premier à marquer
l'histoire. Cette affaire horrible et macabre fut largement médiatisée, non
seulement en Angleterre, mais aussi au Portugal.

Le
31 août 1888, le mythe naissait dans une ruelle londonienne. Mary Ann Nichols qui après avoir porté cinq enfants, elle avait fini par
renoncer à ce mariage en raison d'un mari qu'elle soupçonnait d'infidélité, et au crépuscule de sa
vie, elle avait fait de l'alcool sa compagne et son poison, fut sa première
victime. Cette dernière fut retrouvée morte, la gorge tranchée et le ventre
ouvert, sur Buck's Row, à Whitechapel, dans l'East End londonien par Charles
Cross. Whitechapel était un terreau fertile pour les mauvaises actions. Dans
les années 1880, le quartier souffrait de surpopulation, de pauvreté, de
toxicomanie, de gangsters, de mendiants, d'ivrognes et de plus d'un
millier de prostituées souvent occasionnelles rien que dans ce quartier. Y
cohabitent aussi des réfugiés russes,
Juifs réchappés des pogroms d’Europe de
l’Est, des immigrants irlandais
et la classe ouvrière londonienne.
Alcoolisme, vols, violence sont le quotidien de ce sous-prolétariat qui se révolte, notamment en novembre 1887.
Les agressions contre les femmes,
en particulier les travailleuses du sexe,
étaient fréquentes. Le meurtre de prostituées
était aussi assez courant dans la région, et le meurtre de Mary Ann Nichols n'a pas suscité beaucoup d'attention au départ. Les
experts pensent que Martha Tabran, tuée trois semaines plus
tôt, était également une victime de Jack.
Début septembre 1888, la grande majorité
des publications portugaises accordaient peu d'importance à cette nouvelle.
Cependant, elles commencèrent progressivement à lui accorder une couverture
médiatique de premier plan, accompagnée de reportages de plus en plus détaillés
sur les crimes commis dans la capitale anglaise. Les sources d'information des journalistes portugais étaient, dans la
plupart des cas, la presse britannique
elle-même, l'agence Havas, et même
des correspondants à Londres ou à Paris. C’est le meurtre d’Annie Chapman le 8 septembre 1888 qui
va éveiller l’intérêt de la presse
portugaise à partir du 10 septembre. La découverte du corps de cette
dernière qui s'était octroyé une place de choix au sein de la classe ouvrière, mais son goût pour
l'alcool et la perte de ses enfants
ont détruit sa vie de famille et Annie
a fini ses jours dans l'East End, et il a accru la panique à Londres, ses
blessures faisant écho à la brutalité choquante du meurtre de Polly Nichols, survenu quelques jours
plus tôt. Annie Chapman a été
égorgée deux fois. Mais cette fois, l'assassin
a sorti les intestins pour les étaler sur l'épaule gauche et il manque le
vagin, l'utérus et la vessie de la victime, ce qui a renforcé la théorie que le
tueur avait des connaissances médicales. Le matin même où Annie Chapman fut retrouvée morte, des voisins organisèrent des visites guidées à un sou pour observer la
scène du crime depuis leurs fenêtres. Les enquêteurs
ont compris que le même tueur avait
dû commettre les deux crimes, et qu'il était toujours en liberté. Même l'idée
saugrenue d'un photographe le 13
septembre a été prise au sérieux. Il a proposé de photographier les yeux d'Annie Chapman : il serait possible de
reconnaître le tueur grâce à l'image
gravée sur sa rétine. L’enquête, il est vrai, peine à progresser. Elle est
d’abord confiée au détective Edmund Reid,
responsable de la police municipale de
Whitechapel. Mais il est vite secondé par des enquêteurs du Central Office de Scotland Yard,
dirigés par Frederick Abberline,
puis par Charles Warren. La
couverture médiatique des meurtres de Whitechapel a atteint son paroxysme. Les journaux londoniens oscillaient entre
faits et fiction, racontant avec enthousiasme chaque détail macabre des crimes
et spéculant sans cesse sur l'identité du tueur.
Ceux qui souffrirent le plus de la révolte furent les immigrants, considérés comme responsables de la dégradation des
mœurs et de l'appauvrissement général. Une grande
partie de la population croyait que de tels crimes horribles ne pouvaient
être commis que par des fous ou des étrangers, voire les deux. Pauvres et
nombreux à Whitechapel, les Juifs
furent les premiers suspects. Plus encore le 4 septembre, lorsque les premiers articles de presse
sur un homme nommé «Tablier de cuir»
apparaissent. Après la mort d'Annie,
les habitants organisèrent des
manifestations, menaçant et insultant les Juifs,
qui passèrent des journées entières avec leurs magasins fermés et évitant la
rue. Le suspect habituel des enquêteurs était un médecin ou un barbier
(des professionnels habiles au couteau) résidant à Whitechapel (capables de se
faufiler dans les rues sombres sans se faire remarquer), célibataire et
exerçant un emploi stable (la plupart des crimes se produisaient aux premières
heures des vacances ou des week-ends). Si, en plus, il était étranger ou souffrait de troubles mentaux, les enquêteurs étaient déjà sur ses traces. Durant les mois de
septembre et d’octobre 1888, les policiers
sillonnent les bouges et les asiles de nuit de l’East End, distribuent des
milliers de prospectus et d’appels à témoignage. Mais, ils ne sont pas aidés
par Samuel Montagu qui offre le 10
septembre une récompense de 100 £ pour la capture du meurtrier. M. George Lusk, avec plusieurs autres hommes d'affaires locaux,
fonde le aussi Mile End Vigilance
Committee, dans l'espoir d'aider la police
dans ses efforts pour attraper le meurtrier.
Le Comité de vigilance de Whitechapel
envoie une lettre au ministère de
l'Intérieur le 16 septembre demandant qu'une récompense lui soit
officiellement offerte. La demande est rejetée. L’intrusion de la presse est telle que le commissaire de
police, Sir Charles Warren s’en
plaint le 18 septembre.

On
peut affirmer que durant la première quinzaine d'octobre, les quotidiens qui ont le plus couvert
l'affaire, outre Novidades, étaient O Primeiro de Janeiro, Jornal de Notícias et O Século. C’est sans doute le double
meurtre du 30 septembre qui a aidé cette augmentation. Ce fut d’abord Elizabeth Stride qui a vécu plusieurs
vies avant de se marier et de devenir propriétaire d'un café, tuée en début de
soirée. Une personne entendit ses
cris mais s'enfuit, terrorisée. La présence de Louis Diemschutz surprit cependant le tueur, qui n'eut pas le temps
d'achever son rituel de mutilation. Elizabeth
ne subit qu'une coupure de dix centimètres à la gorge et mourut dans une mare
de sang. Le crime interrompu n'a pas étanché la soif meurtrière de Jack. Quelques minutes après la mort d'Elizabeth, Catherine Eddowes, qui a passé la majorité de sa vie d'adulte avec
un seul homme, le père de ses enfants,
elle venait tout juste de rentrer à Londres après être allée récolter le
houblon dans le Kent, un rituel estival populaire au sein de la classe ouvrière de Londres, elle a été
retrouvée la gorge tranchée, le ventre et le visage mutilés, avec un rein, une
oreille et des ovaires manquants. De plus, une petite note était accrochée sur
un mur voisin : «Les Juifs ne sont
coupables de rien.» Pour éviter une nouvelle attaque contre les Juifs, le message a été effacé avant
l'arrivée des photographes. Cependant,
le maire offre le 1er
octobre une récompense de 500 £, et Sir
Alfred Kirby offre une récompense de 100 £ et 50 miliciens pour aider à appréhender le criminel qui est refusée. Après le double homicide, un autre
élément qui a contribué à semer la confusion chez la police et à semer la peur
a été la publication dans la presse
londonienne de lettres
prétendument écrites par le criminel, signées «Jack l'Éventreur».
Certaines de ces lettres
mystérieuses, prétendument écrites par Jack,
ont été envoyées à la Central News
Agency, datée du 25 septembre 1888 et publiée dans O Primeiro de Janeiro le 7 octobre, nommée ‘Dear Boos’ ("Cher
patron") écrite à l’encre rouge, elle est signée "Jack
the Ripper" ("l’Éventreur"),
mais on ne sait pas si c’est le tueur
qui l’a écrite, et l'une d'elles était adressée à l'attention du président du Comité de vigilance de Whitechapel, M. Lusk, nommée «From Hell» accompagnée d’un foie qu’elle disait être de Catherine Eddowes, expliquant qu’il en
a dévoré une partie. On peut y ajouter la carte postale "Saucy Jack" reçue par la Central News Agency. Une partie de la correspondance était présumée
frauduleuse, la police connaissant
apparemment l'origine des lettres,
prétendument écrites par un journaliste
dans le but d'augmenter les ventes du journal
auquel il collaborait. Néanmoins, les lettres
ont été traduites et publiées dans des journaux
portugais. Les journaux de toute
la ville ont adopté ce nom. On suppose également que les lettres auraient été fabriquées par la presse pour en vendre davantage. Environ 600 lettres et notes,
prétendument signées de sa main, parvinrent aux journaux et aux commissariats
de police au fur et à mesure de la tuerie. Le commissaire de police, Sir Charles Warren déclara le 10
octobre que les lettres "Saucy
Jack" et "Dear
Boss" n’étaient pas du tueur. Le 21 octobre 1888, Maria Coroner est accusée d'avoir
fabriqué plusieurs «lettres de Jack
l'Éventreur» affirmant que le meurtrier ferait sa prochaine victime à
Bradford.

Pendant
le mois d'octobre 1888, les policiers
fouillent les bistrots sordides, les dortoirs où s'entassent les miséreux, les bordels. Certains se
déguisent même en prostituées pour
servir d'appât. Ils distribuent des milliers de tracts et des appels à témoins. Ils interrogent plus de 2000 personnes et interpellent 76 bouchers. Mais aucune piste
n'aboutit. Des chiens renifleurs ont
été utilisés pour retrouver Jack
grâce à l'odeur des victimes, malgré
les avertissements des experts policiers
quant à leur inefficacité. Des milliers
de lettres arrivent par ailleurs à Scotland
Yard ou dans les rédactions des
principaux journaux. Certaines dénoncent un voisin, proposent les services d’un graphologue ou d’un médium,
suggèrent un nouveau mode d’investigation. Cet investissement inédit témoigne
de la vive émotion suscitée par les crimes, mais il dit aussi le désir
croissant de participer aux affaires publiques. Le suffrage masculin est devenu général depuis la réforme
électorale de 1884, et la démocratie
progresse dans ce pays longtemps marqué par une très forte déférence sociale. Par
la suite, le nombre d'articles
sur le sujet a diminué, mais durant la seconde quinzaine de novembre, les trois derniers numéros cités ont
renoué avec l'intérêt, au moment où la police
a été attaquée de plus en plus dans la presse,
ce qui a finalement conduit à la démission du chef de Scotland Yard, Sir Charles
Warren, le 8 novembre, et notamment
après la mort de la cinquième victime, Mary
Jeanette Kelly qui se disait originaire d'Irlande et du Pays de Galles
avant son arrivée à Londres. Elle possédait un luxe que les autres n'avaient
pas : une chambre avec un lit qui allait devenir la scène de son meurtre. La
brutalité du crime, telle que les traits physiques de la victime étaient
pratiquement méconnaissables, son corps et son visage sont tailladés de coups
de couteau, le ventre est ouvert, ses organes ont été balancés dans la pièce,
ses cuisses sont dépecées, ses seins et ses reins ont été déposés à côté
d'elle, tandis que son cœur a été emporté, et le fait que le meurtre ait eu
lieu au domicile de Mary Kelly, où
elle est découverte par Thomas Boyer
travaille pour le propriétaire d'un immeuble qui loue des chambres sordides,
cela a fourni aux chroniqueurs de
nouveaux éléments de publication.
Le médecin légiste qui examine le corps de Mary
Jane Kelly, la cinquième et dernière victime de Jack l'éventreur, se nomme Thomas
Bond. C'est un homme d'expérience qui n'a jamais vu une chose pareille. Il
va se lancer dans une description psychologique de Jack l'Éventreur. Sans le savoir, il invente ce jour-là la
technique du profilage. Selon lui, Jack
l'Éventreur est un homme ordinaire, un solitaire qui est pris de délires,
de crises résultant de pulsions sexuelles incontrôlables. Il trouverait un
plaisir sexuel dans ses agressions. Le 12 novembre, le Dr William Holt est libéré de la garde à vue, après avoir expliqué
qu'il traquait le meurtrier en
utilisant divers déguisements, et le 15 novembre, Wolf
Levisohn
est accosté par deux prostituées qui
crient «Vous êtes Jack l'Éventreur !»
après avoir refusé d'accepter leurs sollicitations.

Qui
était ce célèbre meurtrier de femmes
? On pourrait dire que le monde entier avait cette question sur les lèvres. Plusieurs suspects ont été envisagés
pour cette affaire. La presse avait ses théories, et la reine Victoria elle-même s'est risquée à une hypothèse, soupçonnant
que le tueur était un marin (Whitechapel se trouve près des
docks de Londres). Des indices mal interprétés et un climat anti-immigré croissant ont même déclenché
des actes antisémites de la part de personnes
qui pensaient que le tueur était juif.
Whitechapel était alors fortement peuplée d'immigrants juifs et russes.
À l'époque, plus de deux mille personnes
avaient été interrogées et 80 avaient été arrêtées, avant d'être relâchées
faute de preuves parmi eux le réputé comédien Richard Mansfield est en vedette dans une pièce de théâtre inspirée
de L'Étrange Cas du docteur Jekyll et
de M. Hyde, les Indiens du Wild Wild West Show, un jeune étudiant
en médecine, John Saunders qui
devint fou et mourut dans un asile, John
Pizer que la police identifia à «Tablier de cuir», un cordonnier
vivant à Mulberry Street, William Henry
Piggott qui a attiré l'attention sur lui en exprimant bruyamment sa «haine des femmes» alors qu'il se
trouvait à la taverne Pope's Head, à Gravesendun, le boucher du nom de Joseph Issenschmidt, un apothicaire
atteint d'un trouble psychique Oswald
Puckeridge,, le colporteur itinérant Edward
McKenna, Charles Ludwig, un
coiffeur, la théorie de «Jill l'Éventreur», suggérée par Lord Sidney Osborne avance pour la
première fois dans le Times qu'une femme jalouse pourrait être responsable
des meurtres, John Fitzgerald qui
après plusieurs jours de forte consommation d'alcool, qui a avoué le meurtre d'Annie Chapman, John Langan accusé par E.W.
Bonham, de Boulogne, qui le porte à l'attention du ministère de l'Intérieur, son innocence a été vérifiée par la police le 16 octobre , un homme nommé Antoni Pricha qui ressemblait à la
description de Hutchinson accusé par
Edward Knight Larkins à la police le 13 novembre, le philanthrope Thomas Barnardo, Michael Ostrog, décrit comme un «médecin
russe» et un condamné, était souvent interné dans un asile d’aliénés, un
voyageur suédois nommé Nikaner Benelius,
un locataire canadien à la fois religieux et fanatique G. Wentworth Bell Smith, Francis
Tumblety, un homme notoirement anti-femmes qui a eu de nombreux démêlés
avec la justice, est arrêté à
Londres pour "indécence
grossière", il se livrait probablement à l'homosexualité, ce qui était
un crime en Angleterre à l'époque, soupçonné aux États-Unis de complicité dans l'assassinat
de Lincoln et le meurtre d'un
patient à Boston, il est arrêté
en lien avec les meurtres de Whitechapel, et après avoir échappé à la caution
fuit en France, puis embarque sur un paquebot à destination de New York, Montague John Druitt, un avocat de 31
ans, est retrouvé flottant sur la Tamise avec un billet de train pour le 1er
décembre dans sa poche, comme c'était seulement quelques semaines après le
meurtre de Mary Jane Kelly, il est
considéré comme le principal suspect de l'éventreur,
et Aaron Kosminski, un barbier juif
que la police de la ville avait surveillé jour et nuit connu pour nourrir une
haine violente envers les femmes, en
particulier les prostituées, jusqu'à
ce qu'il soit incarcéré dans un hôpital psychiatrique en 1890. La difficulté de
découvrir le(s) auteur(s) des crimes
a donné lieu à de nombreuses conjectures dans la presse portugaise de l’époque non seulement sur le(s) éventuel(s) meurtrier(s), mais
aussi sur les raisons qui le/la conduiraient à commettre de telles atrocités,
notamment avec les corps des victimes,
soulevant l'hypothèse, malheureusement si courante aujourd'hui, du trafic
d'organes. Sans oublier, un mendiant
plus audacieux développa une tactique risquée : se faisant passer pour l'un des
suspects, il extorqua des boissons
gratuites aux propriétaires de bars.
Arrêté, l'homme fut condamné à sept jours de travaux forcés.

Cependant, l'importance accordée aux
crimes londoniens a diminué jusqu'à la fin de l'année 1888, si bien que les
mois d'octobre et novembre correspondent à la période de plus grande couverture
médiatique des meurtres de «Jack l'Éventreur». Cette plus
grande attention durant ces mois est due à la quantité d'informations reçues,
la plupart des crimes ayant été commis à cette période, le plus brutal ayant eu
lieu le 9 novembre 1888. Il convient de souligner que ces informations ont été
obtenues grâce à l'intervention de la police
londonienne, au travers d'enquêtes, rapportées ultérieurement par les journaux, afin de diffuser les
événements de la manière la plus détaillée possible. Moins glorieux est un
penny qui était demandé sur Whitechapel Avenue pour ceux qui voulaient voir les
répliques de cire des victimes. La
cruauté de ces morts est restée
vivace dans la mémoire collective. Il
est toutefois important de souligner que, durant les quatre derniers mois de 1888,
les nouvelles concernant «Jack l'Éventreur» étaient fréquemment
publiées sous le titre «Les Meurtres
de Londres». Ce fait est lié non seulement au caractère
sensationnaliste donné à l'événement - «crimes» – mais aussi
avec la stratégie (hier comme aujourd’hui) très en vogue, de capter rapidement
l’attention du public lecteur. Ainsi, au cours des quatre mois de couverture
médiatique de l'affaire «Jack
l'Éventreur», une critique ironique et cinglante de la population britannique, symbolisée par son stéréotype par
excellence, ainsi que des actions inefficaces, voire ridicules, de la police londonienne (jusqu'alors très)
respectable, ont émergé simultanément. Les périodiques
portugais ont ainsi tenté, à travers les nouvelles, de révéler le côté le
plus sombre et le plus sinistre de la société
victorienne, en particulier les conditions de vie misérables dans les
quartiers pauvres de la ville, en particulier Whitechapel, le lieu des crimes,
qui a été décrit comme le quartier le plus misérable de Londres. Un autre objectif plus ou moins explicite était de
critiquer une Grande-Bretagne qui, à l'époque, apparaissait de plus en plus
comme une puissance rivale, ambitieuse et arrogante notamment pour l’expansion
coloniale en Afrique. Les journaux
londoniens s'en sont emparés. Toute femme
tuée dans la région était traitée par la presse
comme une victime de Jack. L'intense
médiatisation de l'affaire a provoqué des réactions encore plus étranges :
d'autres criminels ont commencé à imiter le mode opératoire du tueur de Whitechapel. Les archives de police attestent
d'une vague de fausses attaques fin 1888 et Rose Mylett est étranglée par un de ses clients. Deux autres
femmes, Alice McKenzie et Frances Coles qui ont la gorge tranchée
et des mutilations abdominales, ont probablement été tuées par des imitateurs, parmi eux James Thomas Sadler, accusé du meurtre
de Frances Coles, sur lequel on mena
une enquête sérieuse vu qu’on le suspecta d’être Jack l’éventreur. L'arrêt des décès n'a pas interrompu l'enquête. L'autre
perspective de cette horrible affaire était plus sociale et politique, car les
morts sanglantes de 1888 ont contribué à horrifier les parlementaires anglais de l'époque et à prendre conscience de la
situation vécue dans certains quartiers de Londres, comme celui de Whitechapel.
Passé de main en main, le dossier de l’affaire finira par être classé en 1892.
Cela n’empêche pas la presse de
donner des coupables comme William Henry
Bury en 1889 pendu pour le
meurtre de sa femme Ellen, et est la
dernière personne à être exécutée à Dundee, en Écosse, Frederick Bailey Deeming en 1891
qui
assassina sa femme et ses quatre enfants à Rainhill dans le
Lancashire en 1891 qui fut pendu à Melbourne en 1892, Thomas Neill Cream en 1892, un médecin qui empoisonnait ses
victimes avec de la strychnine et fut pendu, Thomas Hayne Cutbush en 1894, un
étudiant
en médecine, est soigné à l'infirmerie de Lambeth en 1891 pour des troubles de
délire qui tenta de poignarder deux
femmes, probablement causés par la syphilis, ce qui oblige, quelques années
après les meurtres en 1894, le chef du département d’enquêtes criminelles de Scotland Yard, Melville Macnaghten, dresse une liste de trois suspects (dont Aaron Kosminski et Michael Ostrog). Le premier d’entre eux : Montague John Druitt, un avocat souffrant de troubles psychiques,
retrouvé mort dans la Tamise après le dernier meurtre. Mais hormis la date de
sa mort qui coïncide avec la fin des crimes, peu d’indices l’accusent. Ces
affaires ont mis la lumière sur les conditions de vie insalubres, dangereuses
et déplorables de certains quartiers populaires de Londres, Whitechapel
évidemment, mais l’East End (donc les quartiers Est) en général. Une grande
politique de salubrité a été mise en place, avec démolition des dortoirs les
plus insalubres jusqu’au début du XXe siècle.

Par la suite au XXe et XXIe
siècle, les hypothèses se basèrent sur la vision des Londoniens de la fin du XIXe siècle dans de nombreux livres qui ont leur traductions portugaises pour
certains et représentent trois groupes
de personnes qui représentaient une menace pour les habitants locaux : la royauté,
le «médecin
fou» (ou le gentleman
professionnel dément); et l’immigrant,
généralement doté de tendances anarchiques ou socialistes. Peu à peu, on fera
successivement de Jack l'Eventreur
un docteur comme Robert D'Onston
Stephenson, William Withey Gull,
l'un des médecins de la reine Victoria,
ou Sir John Williams, l'obstétricien
de Béatrice du Royaume-Uni, l'une
des filles de la reine Victoria, un étrangleur, un magicien, un dément
comme James Kelly, un policier comme Melville Macnaghten, le logeur de Mary Jane Kelly, John McCarthy, un étranger comme Carl
Ferdinand Feigenbaum, exécuté le 27 avril 1896 à New York, le juif polonais
Joseph Silver, à la fois commerçant
et marin, George Chapman, alias Severin Klosowski, barbier polonais,
pendu en 1903 après avoir été convaincu d'avoir empoisonné ses trois épouses successives, ou encore le
marin norvégien «Fogelma», un mystérieux
chohet, boucher rituel juif, une femme
comme la meurtrière, comme Mary Pearcey,
la meurtrière Constance Kent, Elizabeth Halliday, une femme à
l'allure masculine atteinte d'un trouble psychique arrêtée à New York en 1893
qui assassina ses deux derniers maris
(dont les corps ont aussi été mutilés), un beau-fils
et deux femmes, et la théosophe Helena Blavatsky, un membre
de la famille royale, le
duc de Clarence, des proches des victimes comme Joseph Barnett, plus fantaisistes comme
le négociant de coton, James Maybrick
ou sa femme Florence, James Kenneth Stephen, poète et tuteur
du prince Albert Victor, un certain Francis Spurzheim Craig, journaliste de
51 ans couvrant les faits divers et la justice, Lewis Carroll a été, lui aussi, suspecté un temps, ou le peintre Walter Sickert, Montague John Druitt, ou encore un barbier juif de Whitechapel
(suspect idéal : Aaron Kosminski,
qu'un Anglais richissime du nom de Russell
Edwards a cru récemment confondre à l'aide de son ADN, ayant acheté pour
une somme faramineuse un châle censément attribué à l'une de ses victimes) et
la fumeuse conspiration royale. Jack
l'Éventreur continue à susciter une fascination macabre dans l'imagination
populaire. Des suspects plus intéressants ont été trouvés depuis comme Hyam Hyams, fabricant de cigares,
épileptique et alcoolique, David
Kasminski, un juif polonais interné à l'asile de Colney Hatch à l'époque du
dernier meurtre de Whitechapel, Robert
Mann pensionnaire de l'hospice de
Whitechapel qui travaillait à la morgue de Whitechapel, le boucher Jacob Levy atteint de la syphilis,
l’ouvrier George Hutchinson, Charles Allen Lechmere, un charretier
et livreur de viande, et le Dr. Francis
J. Tumblety, 56 ans, un «charlatan»
américain, qui fut arrêté en novembre 1888 pour des délits d’outrage à la
décence.

L’affaire impacta le système culturel portugais, la presse, les traductions de récits de fictions, où elle croise la route
de Sherlock Holmes dans le pastiche
de Sherlock Holmes Jack El Destripador sorti peu de
temps après les meurtres, L’Ultime
défi de Sherlock Holmes (1978), Duel
en Enfer, Black Aura (1974) de John
T. Sladek et Sherlock Holmes and
the Royal Flush (1998) de Barrie
Roberts, et Sherlock Holmes - La
BD dont vous êtes le héros, tome 5 : L'ombre de Jack l'éventreur (2018),
ou encore en jeu vidéo dans Sherlock
Holmes contre Jack l'Éventreur (2009), et de l'Homme-éléphant dans Zou no
Miru Yume de Downman Sayman (2013), et de Fu Manchu dans le 100e
numéro de la série Master of
Kung Fu (1981) de Marvel Comics,
mais aussi les romans The Lodger
(1913) de Marie Belloc Lowndes, The Mystery of Jack the Ripper (1929)
de Leonard Matters, Yours Truly, Jack the Ripper (1943)
de Robert Bloch, Jack l'éventreur (1966) de Tom A. Cullen, Jack the Ripper : The Final Solution (1976) de Stephen Knight adapté dans le film Meurtre par décret (1978) de Bob Clark, La dernière victime (2002) de Emmanuel Ménard, Whitechapel.
La véritable histoire de Jack l'Éventreur (2013) de Michel Moatti, et Les Damnées de Whitechapel (2011) de Peter Watson, en bande
dessinée comme Gotham
au XIXe siècle (1989) de DC Comics adaptée
en film d'animation en 2018, From Hell
d’Alan Moore adapté au cinéma par Allen et Albert Hugues (2001), le manga
Black Butler (2006), Van Helsing contre Jack l'éventreur, tome
1 : Tu as vu le Diable (2012), et tome
2 : La belle de Crécy (2015) de Jacques Lamontagne et Sinisa
Radovic, Jack l'Éventreur, tome 1
: Les liens du sang (2012) de François
Debois et tome 2 : Le
protocole Hypnos (2013) de Jean-Charles
Poupard, L'Homme de l'année, tome
13 : 1888 - Le véritable Jack l'éventreur (2018) de Céka et Benjamin Blasco-Martinez, et Mary
Jane (2020) de Frank Le Gall
et Damien Cuvillier..., la production d'œuvres écrites à l'origine
en portugais comme le roman de Gervásio
Lovato, sous le pseudonyme James
Middleton, qu’il publia, en collaboration avec Jayme Victor, «Jack
l'Éventreur» (1889), en cinq
volumes, dans lequel Jack
l’éventreur est une femme, et cette
œuvre était assurément novatrice, car il s'agissait de la première
appropriation artistique et littéraire des crimes commis à Londres l'année
précédente, dans les représentations
théâtrales comme la pièce de théâtre Pandora (1904) de Frank
Wedekind , Drôle de drame
(1937), Ripper (1973) et Jack the Ripper (1974), les shows (The Jack the Ripper Show, 1973), au cinéma avec le Loulou
(1929) de Papst, et dans le remake Lulu (1980) de Walerian Borowczyk, The Lodger (1927) de Alfred Hitchcock, The Lodger (1932) de Maurice
Elvey, et adapté plus librement dans Jack
l’éventreur (1944) de John Brahm,
auxquels s’ajoutent Man in the Attic
(1953) et The Lodger (2009), Jack l’éventreur (1959) de Robert S. Baker et Monty Berman, Sherlock
Holmes contre Jack l'Eventreur (1965) de James Hill, La Fille de
Jack l’éventreur (1971) de Peter
Sasdy, Dr. Jekyll et Syster Hyder
(1971) de Roy Ward Baker, Jack l’éventreur (1976) de Jesus Franco, Jack l’éventreur (1988) de David
Wickes, The Ripper (1997) de
Samuel West, et Retour à Jack l'éventreur : Sur les traces du tueur (2016)
de Sebastian Niemann, la série Ripper Street (2012-2016) de Richard Warlow , et même dans les jeux vidéo avec Jack the Ripper (1987), Jack l’éventreur (2004), Assassin's Creed Syndicate : Jack
l'Éventreur (2015), et Murder
Detective : Jack the Ripper (2019).

Toute une industrie s'est alors créée autour de cette affaire, avec des livres, des expositions et des visites
des rues de Whitechapel, où les femmes
ont été tuées. En 2015, de nombreux
habitants de l'East End ont très mal vécu l'érection d'un musée entièrement consacré à l'œuvre de
Jack l'Eventreur - en l'occurrence
le massacre, à l'automne 1888, de cinq
prostituées et le vol de certains de leurs organes. Surtout qu'à l'origine,
l'homme derrière le projet, Mark
Palmer-Edgecumbe, ancien chef de la diversité chez Google, avait promis
qu'on érigerait là «le premier musée
dédié aux femmes» du Royaume-Uni - ce qui devait théoriquement inclure
l'histoire des premières suffragettes.
Enfin, en janvier 2025, Russell Edwards,
un détective privé britannique appelle la justice
à rouvrir une enquête sur Jack
l’Éventreur afin que son identité soit enfin déterminée avec certitude. Il
est soutenu dans sa démarche par plusieurs familles de victimes et par les descendants d’Aaron Kosminski.
Pour aller plus loin, je vous conseille
ces lectures qui m’ont beaucoup aidé : Maria João Mendes de Brito, “Jack, o Estripador” na imprensa diária
portuguesa (1888), dans Revista de
Estudos Anglo-Portugueses, Nº 18, 2009, p. 149-181, et Jack, o Estripador em Portugal,
Chiado Books, 2017, Kate Clarke, M.W. Oldridge, Neil R.A. Bell et Trevor
Bond, The A-Z of Victorian Crime,
Amberley Publishing, 2016, et https://darkside.blog.br/crimes-vitorianos-macabros-curiosidades-sobre-jack-o-estripador/, Claudia BarBieri Massera, A Pena e o
tipo : Gervásio Lovato e a impresa
portuguesa, dans Via Atlântica, n°34,
61-79, décembre 2018, Hallie
Rubenhold, The Five: The Untold
Lives of the Women Killed by Jack the Ripper, Doubleday, 2019, et https://www.nationalgeographic.fr/histoire/vous-connaissez-jack-eventreur-voici-histoire-des-femmes-qu-il-a-tuees-angleterre, https://aventurasnahistoria.com.br/noticias/reportagem/historia-serial-killer-jack-o-estripador.phtml, https://pt-br.martincid.com/tv-shows-pt-br/qui-etait-jack-leventreur-episode-1-de-les-enquetes-extraordinaires-docuserie-sur-netflix/, https://whitechapeljack.com/whitechapel-murders-timeline/, https://www.casebook.org/timeline.html, https://www.jack-the-ripper.org/timeline.htm, https://www.liberation.fr/planete/2016/08/19/jack-l-eventreur-visceralement-misogyne_1473479/, https://www.nationalgeographic.fr/histoire/culture-generale-litterature-faust-alchimiste-qui-vendit-son-ame-au-diable, https://www.nationalgeographic.pt/historia/esta-sao-historias-mulheres-que-jack-estripador-assassinou_4176, https://www.nationalgeographic.com/history/history-magazine/article/jack-the-ripper-murders-mystery-history, https://www.parismatch.com/actu/faits-divers/jack-leventreur-enfin-identifie-les-familles-de-victime-demandent-un-nouveau-proces-245807, https://www.publico.pt/2007/08/31/jornal/no-passado-31-de-agosto-de-1888-228003, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/retour-a-whitechapel-8369447, https://www.rtl.fr/culture/culture-generale/jack-l-eventreur-le-tueur-psychopathe-jamais-identifie-7900512804, et https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/jack-l-eventreur-a-revele-les-angoisses-de-l-ere-victorienne_125209.
Merci !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire