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mardi 18 février 2025

Les Mexicas, une courte domination aux multiples apports

Le 18 février 1519, Hernan Cortès quitte Cuba à la tête d’une flotte de onze navires qui emmènent seize cavaliers, 518 fantassins, 32 arbalétriers, 13 arquebusiers, 110 marins, 200 auxiliaires amérindiens, une dizaine de canons de bronze et une trentaine de chevaux, les premiers à fouler le sol d’un continent qui n’en avait encore jamais vu. Trente mois plus tard, l’empire aztèque ne sera plus qu’un souvenir.

 

Originairement nomades et guerriers, les Aztèques se sont progressivement insérés dans le creuset des peuples sédentaires de la vallée de Mexico. Les premières pierres de Tenochtitlan sont ainsi posées au début du XIVe siècle. Les Mexicas ne sont alors qu’un peuple parmi tous ceux que comptent ces hautes terres du Mexique central, fédérées autour des langues nahuas ou «auto-aztèques», qui s’établit vers le XIe siècle dans la «plaine» centrale du Mexique, en réalité un bassin clos déjà occupé par de nombreuses communautés sédentarisées. Venus d’un nord sauvage en pratiquant les razzias, ces guerriers se mettent alors à cultiver le maïs à la manière des populations de cette zone fertile entourée de montagnes, qui a déjà connu plusieurs royaumes puissants (Cuicuilco et Teotihuacan). L’une des particularités de leur implantation est la création des "chinampas", des parcelles d’agriculture hors-sol autour de la capitale, qui leur permettaient de se nourrir. L’hégémonie des Mexicas sur les autres peuples nahuas est construite sous la direction des rois Huitzilihuitl, Chimalpopoca, Itzcoatl et Moctezuma l’Ancien. Elle s’appuie sur la maîtrise des ressources des marécages (poissons, mollusques, gibier, insectes, algues, cultures des jardins aquatiques), négligées par les autres peuples de cultivateurs. Leur exploitation favorise le développement d’une société stratifiée, associant une noblesse de guerriers et de prêtres à une population laborieuse. Moins liée aux cycles agricoles, elle rend les hommes disponibles au combat tout au long de l’année et permet par conséquent la spécialisation des Mexicas dans l’activité guerrière mercenaire.  Longtemps, la cité se trouve d’ailleurs sous la domination de la capitale tépanèque Azcapotzalco, au point d’apparaître comme un «État-lieutenant». Sur le plan politique, un triumvirat constitué autour de trois cités lacustres contrôle les vallées centrales pendant plusieurs décennies. L’ensemble des peuples nahuas pratiquent l’esclavage et la polygynie (Cas particulier de la polygamie, dans lequel un homme peut avoir plusieurs épouses), qui sont au centre du système international : l’esclave est le butin de la guerre extérieure, l’échange des épouses scelle les pactes d’alliance, leur délaissement équivaut à une déclaration de guerre… Sous l’égide du grand chef (huey tlatoani) Moctezuma Ier, Tenochtitlan tire bientôt son épingle du jeu et finit par imposer son hégémonie sur l’ensemble du Mexique central au cours du dernier tiers du XVe siècle. Accédant au pouvoir, ils ont alors reconstruit leur passé pour justifier leur domination sur la Méso-Amérique. 

 

L'Empire aztèque atteint son apogée au tournant des XVe et XVIe siècles, à la veille de la conquête espagnole finalisée en 1521. Vis-à-vis des peuples, le pouvoir mexica s’appuie en outre sur une véritable politique de terreur : les populations qui opposent une résistance coriace sont anéanties pour l’exemple et le rituel du sacrifice humain organise l’élimination des prisonniers de guerre. La guerre extérieure permanente, enfin, s’impose comme le prix à payer pour entretenir le train de vie de la classe dirigeante et son autorité sur l’ensemble des peuples en son pouvoir. L’apogée de la domination mexica se situe dans notre XVe siècle et déploie une culture originale dont le souvenir a été conservé à l’écrit par les générations postérieures. À côté de la polygynie, les pratiques homosexuelles organisent en partie la sociabilité masculine. Au centre de la ville, formée par la fusion des premiers villages, s’élève la pyramide dédiée au dieu souverain (Huitzilopopochtli), flanquée du sanctuaire du dieu de la pluie (Tlaloc) et du palais royal. Chef d’œuvre d’un système hydrique remarquablement sophistiqué, un aqueduc porte l’eau sur l’île en enjambant le lac qui la sépare de la rive. Il contribue à alimenter un réseau de jardins chatoyants offrant en spectacle une profusion de fleurs et ornés d’oiseaux colorés placés dans des cages. Un zoo expose les bêtes sauvages offertes en hommage par les communautés clientes des Mexicas. L’abondance du lieu en ressources animales et végétales alimente une gastronomie particulièrement variée et des festins que vient conclure la boisson de chocolat. À la veille de la conquête espagnole, Moctezuma le Jeune s’attache à mettre en place une administration rationnalisée et à concevoir ainsi un véritable appareil d’État : provinces, gouverneurs et garnisons garantissent l’activité économique, le prélèvement fiscal et le règlement des litiges. Les Mexicas sont donc au sommet de leur puissance lorsque les Espagnols débarquent en territoire maya, une première fois en 1518, puis en 1519. Ces étrangers ne sont pas totalement inconnus des Mayas, qui ont déjà rencontré (voire capturé) des Européens isolés.

 

Les Aztèques  dominaient alors avec éclat la plus grande partie du Mexique quand les conquérants espagnols y pénétrèrent en 1519. Leur langue, le nahuatl, leur religion s'étaient imposées dont l’une des pratiques rituelles étaient les sacrifices humains qui de manière rituelle, étaient ainsi organisées des guerres dites «fleuries», «sorte de Jeux olympiques» ayant pour objectif de capturer des combattants ennemis, dont le sang épanché depuis le sommet du Grand Temple (Templo Mayor) abreuvait un panthéon syncrétique, et où le culte des divinités parmi lesquelles figurent en bonne place Huitzilopochtli, le dieu de la guerre et du soleil, Chicomecoatl, la déesse de la fertilité et du maïs, ou encore Tlaloc, le dieu de l’eau et de la pluie, également honoré par les Mayas, y est essentiel, c'est aussi l'une des sources principales de production artistique avec des matériaux de grande valeur : pierres, coquillages, métaux précieux comme l'or bien entendu, de l'Atlantique au Pacifique et des steppes du nord au Guatemala, sur d'immenses étendues. Chez les Aztèques, celui tout en haut de la pyramide est l’Empereur, puis l’on trouve les nobles, appelés "Pilli". Enfin, le reste des Aztèques constitue les "Macehualtin". L’on trouve aussi des "Mayeques", paysans soumis à un seigneur dont ils entretiennent les terres. Le nom de leur souverain Motecuhzoma était vénéré ou craint d'un bout à l'autre de ce territoire. Leurs commerçants parcouraient le pays en tous sens avec leurs caravanes de porteurs dont la principale activité est un commerce qui reposait principalement sur la culture du maïs. Les communautés nahuas (altepetls) étaient liées par des alliances interethniques complexes et très instables, du fait de la polygynie régnante : polygames, les chefs (tlatoanis) avaient des progénitures très nombreuses. Aussi les luttes de clans et les conflits fratricides étaient-ils particulièrement récurrents. Néanmoins, aucune cité ne disposait d’armées permanentes. En fonction de la saison, les hommes se faisaient tour à tour cultivateurs ou soldats. Les femmes, sont à la fois cantonnées dans des foyers polygames, spécialisées dans certaines fonctions productives, actives dans certaines situations de guerre, parfois chargées de la police des marchés, parfois prostituées sur les mêmes marchés…Leurs fonctionnaires percevaient partout l'impôt. Aux frontières, les garnisons aztèques tenaient en respect les populations insoumises. À Tenochtitlán (Mexico), leur capitale, l'architecture et la sculpture avaient pris un essor extraordinaire, tandis que se développait le luxe du vêtement, de la table, des jardins, de l'orfèvrerie.

 

À l'arrivée des Espagnols en 1519, l'empire, même pas centenaire, est à son apogée. Quand les Espagnols découvrent Tenochtitlan, ils sont ébahis. La ville est une métropole flottante de 200 000 habitants au milieu d'un lac bordé par de nombreuses grandes villes. Les richesses de la capitale sont sans commune mesure avec tout ce que les Européens connaissent. La ville dépasse l'imagination. Même les comparaisons avec Paris (alors plus grande ville d'Europe) n'y suffirent pas. La «Venise du nouveau monde» faisait rêver. Après une guerre gagnée de justesse (à 200 contre 40 000), les Espagnols asséchèrent le lac, détruisirent la capitale des Mexicas et créèrent la ville de Mexico qui devint capitale du Mexique, le pays des Mexicains. Contrairement à ce que l’on a longtemps considéré, la civilisation aztèque a su s’adapter et développer des technologies nouvelles pour survivre à l’invasion espagnole. Certains s’engagent à leur tour dans l’œuvre de l’Église, voire dans la mission d’évangélisation d’autres terres inconnues, au Nouveau Mexique, au Japon, dans les Philippines… Parmi eux, certains contractent le goût de l’histoire. Formés au latin, à la doctrine catholique, au droit espagnol, mais aussi à l’art de méditer le passé dans la tradition méditerranéenne d’Hérodote et de Tite-Live, des érudits indigènes à l’instar de don Domingo de San Anton Muñon Chimalpahin Quauhtlehuanitzin fixent le souvenir du monde mexica «des origines jusqu’à nos jours», c’est-à-dire avant sa découverte par les Européens. Sous leur plume, une histoire des «Aztèques» n’a pas été écrite par les vaincus, mais par leurs petits-fils.

 

Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m’ont beaucoup aidé : Danièle Dehouve, Essai sur la royauté sacrée en république mexicaine, CNRS Éditions, 2004, Jacques Soustelle, Les Aztèques, Presses universitaires de France, 2020, Camilla Townsend, Le cinquième soleil : une autre histoire des Aztèques, Albin Michel, 2023, https://laviedesidees.fr/Camilla-Townsend-Le-cinquieme-soleil, https://www.nonfiction.fr/article-11895-les-azteques-vus-par-eux-memes.htm, et https://www.sciencesetavenir.fr/decouvrir/livres/livre-l-histoire-des-azteques-racontee-par-eux-memes_176940, Mexica : Des dons et des dieux au Templo Mayor, Musée du Quai Branly, Paris, du mercredi 03 avril 2024 au dimanche 06 octobre 2024, https://www.geo.fr/histoire/quelles-sont-les-differences-entre-les-mayas-les-incas-et-les-azteques-202696, https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2021-07-20/tenochtitlan-la-cite-des-maitres-de-leau-8f2038d6-41a9-4734-aa47-6e35d75e0a8f, et https://www.slate.fr/story/207155/histoire-origines-civilisation-azteques.

 

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